Billet d'humeur court sur un sujet pas facile.
Vous avez peut-être assisté au déchaînement médiatique au sujet d'une de mes collègues qui aurait fait respecter une minute de silence en l'honneur de l'assassin de Toulouse (un article parmi d'autres).
Son nom et son établissement d'exercice ont été donnés. La première information qui est parue signalait qu'elle avait effectivement fait respecter cette minute de silence (titre de la nouvelle sur le site d'un grand hebdomadaire français : Luc Chatel fait suspendre une enseignante après une minute de silence pour Merah). Un courrier des élèves de la classe a également été publié :
Aujourd'hui, le vendredi 23 février 2012, nous commençions un nouveau chapitre en cours d'anglais, avec Mme XXX, intitulé "Nature Pride" (c'est-à-dire la fierté d'être un natif). Ce sujet traite du patriotisme des Indiens d'Amérique.
Mme XXX a tout d'un coup dérivé sur un autre sujet : l'affaire Mohamed Merah.
Il est tout d'abord inapproprié de parler de cette affaire en cours d'anglais et de plus elle a soutenu des propos qui nous ont tous outré voir choqué.
Mme XXX a clairement dit que Mohamed Merah était une victime, que le lien avec Al Quaida avait été inventé par les médias et "Sarko".
Elle a ajouté qu'il serait possible de faire une minute de silence pour cette "victime".
Voyons que nous étions en désaccord, elle nous a dit que nous devions sortir, ce que 16 élèves sur une petite vingtaine ont fait, les autres sont restés en essayant de comprendre ses propos.
Veuillez croire que notre acte était justifié et qu'il n'était en aucun cas dans le but de perturber le cours de Mme XXX.
Ceci s'ajoute au manque de respect qu'elle a envers ses élèves perpétuellement.
Une lettre de ses collègues, qui ne présente pas vraiment les choses de la même façon, a également été publiée :
COMMUNIQUE DE PRESSE DES ENSEIGNANTS DU LYCEE FLAUBERT
Les enseignants du lycée Flaubert sont atterrés et extrêmement choqués par l'emballement médiatique qui a suivi un incident de classe.
Dans un contexte émotionnel très sensible, des échanges verbaux entre une enseignante et sa classe ont été divulgués instantanément par un parent d'un élève de la classe, publiés immédiatement et sans vérification par organe de presse . L'identité de la collègue a été révélée.
L'article rédigé à charge qui a été immédiatement publié contient des approximations et un mensonge majeur : Aucune minute de silence n'a été organisée dans cette classe .
Si des maladresses ont été commises, elles sont regrettables mais nous pensons qu'elles ne sont motivées par aucune volonté de prosélytisme, ni présupposé ou arrière-pensée politique.
La fragilité de notre collègue était connue par les services du rectorat.
Dans ces circonstances, nous pensons qu'elle doit bénéficier de la protection et de l'accompagnement de son administration.
Le calme et la sérénité sont plus que jamais nécessaires et nous demandons que les procédures existantes puissent suivre leur cours, sans que notre collègue soit jetée en pâture aux médias.
Sans préjuger des conclusions des procédures, nous apportons notre soutien moral à notre collègue.
Aujourd'hui, notre Président a fait huer ma collègue en meeting.
Je ne sais de quoi ma collègue, dite fragile psychologiquement par plusieurs sources, est réellement coupable. Et pour cause : on a besoin de temps pour démêler les fils de cette histoire. Or nous assistons à un lynchage express de ma collègue, qui n'a peut-être eu qu'une parole malheureuse ou mal comprise, si ça se trouve.
Mais quand bien même elle aurait réellement dit des choses graves, indignes, insupportables, ce n'est pas une manière de traiter un être humain : la France est un État de droit et non un pays archaïque soumis à la la perversion du principe du bouc émissaire.
Lâcher en pâture aux médias et au tout venant des informations non vérifiées et sujettes à caution sur une personne psychologiquement fragile est un acte d'une incroyable gravité. C'est pourquoi, nonobstant l'horreur qu'ont pu vivre les proches des victimes de Toulouse, on ne peut décemment se permettre une telle façon de procéder.
Veut-on tuer ma collègue ? Si c'est le cas, que l'on poursuive ce déchaînement médiatique à son égard : on peut effectivement y arriver.