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1 novembre 2010 1 01 /11 /novembre /2010 09:49

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 Le vrai créateur du « Contrat de confiance »

(nouvelle merveille pédagogique proposée par tous pour résoudre les problèmes de l'Éduc'Nat') 

 

 

 

  C'est la grande foire à l'Éducation Nationale, en ce moment ! Venez en parler, surtout si vous n'y connaissez rien, surtout si vous n'y enseignez pas ! Tous les discours sont admis, surtout les plus rigolos ! Faudrait voir à divertir le bon peuple… Qui proposera les solutions les plus hilarantes pour régler les problèmes réels de ce grand corps malade1

 

 

 

À droite

 

  On commence avec Jean-François Copé, qui propose un examen d'entrée en sixième (pour caresser dans le sens du poil les nostalgiques du certificat d'études, sans aucun doute). Si tu l'as pas, tu redoubles ! Voilà effectivement une prise de position originale dans le discours anti-redoublement ambiant. Il y manque juste des propositions concrètes sur l'avenir de ceux qui n'auront pas l'examen. Car croire que des élèves qui ne savent pas lire résoudront d'un coup ce problème à l'aide d'une deuxième année de CM2, c'est prendre ses désirs pour des réalités.  

 

 

  Mais cela ne vaut certes pas les propositions de Camille Bedin, la secrétaire nationale à l'égalité des chances de l'UMP, qui, sur son blog, nous assène une note mensuelle autrement plus goûtue :


  • « Mettre fin au redoublement au CP » (au prétexte qu'« à six ans, un enfant ne peut être tenu pour principal responsable de son échec », ce que je crois personne ne soutenait, mais ça ne fait jamais de mal de s'attaquer à un ennemi imaginaire très très très méchant),

 

  • « En finir avec la dictature des notes ! » (on appréciera la modération du lexique) pour évidemment mettre en place les sacro-saints livrets de compétences, 

 

  • « Remettre la pédagogie au cœur de l'école » via des « méthodes pédagogiques innovantes ». Ô surprise, il s'agirait en fait de recourir à l'informatique et à des « programmes d'expérimentation nouveaux »… On en a de la chance !

 

  • « Responsabiliser les élèves » en les associant aux décisions prises dans l'établissement… dès le CM1 !! L'élève n'est pas responsable de son échec scolaire, mais peut devenir responsable de la mise en échec de son établissement : voilà une proposition géniale !

 

 

  Et évidemment, si on met en place des « contrats » avec les élèves, c'est encore mieux ! (point DARTY presque atteint !) 

 


  Oui, je sais, ma section « À droite » est un peu dégarnie (encore que…), mais on rappellera que la droite a déjà beaucoup œuvré ces dernières années en supprimant nombre de postes, en envoyant les stagiaires à quasi-temps plein et sans formation aucune dans les endroits les plus sympas de France et de Navarre,  en réformant n'importe comment le lycée, en mettant en place l'évaluation par compétences et le socle commun, et en remplaçant la géographie par une nouvelle discipline intitulée « développement durable ». Alors il faut lui laisser le temps de reconstituer son stock…

 

 

 

 

À gauche

 

  Davantage médecin moliéresqueque Copé, Bruno Julliard se fend de propositions autrement plus spectaculaires (entretien disponible ici). Après avoir établi un constat pas toujours stupide (« l'école traverse une crise majeure », « elle ne parvient plus qu'à reproduire les inégalités »), il avance des solutions qui le sont nettement plus :

 

  • Première solution : continuer à faire les mêmes bêtises, mais en les accentuant. « Il faut repartir du socle commun, et décider qu'il n'appartiendra plus à l'élève de s'adapter au système, mais à l'institution scolaire de s'adapter à l'élève. » 

 

  • Deuxième solution :  étendre ce qui n'a pas marché pour faire en sorte que les rares choses qui fonctionnent encore soient balayées. « Autre exemple, nous savons que la rupture entre école primaire et collège est beau­coup trop forte. Le collège est construit, aujourd'hui, comme un petit lycée. Il faut donc en changer de manière assez radicale les premières années du collège (sic) : le fait par exemple de passer d'un professeur des écoles à une dizaine d'enseignants disciplinaires n'est pas accepté de la même manière par tous les enfants. Cela devra se faire plus progressivement »Comprenez par-là qu'il faut des professeurs bi- ou trivalents (voire des professeurs des écoles qui enseignent au collège) et des évaluations par compétences. On appelle ça « primariser le collège ». C'est vrai que le primaire va tellement bien que ça donne envie de faire la même chose partout. 

 

 

  Et évidemment, tout ça, c'est mieux sans « rupture de confiance » (point DARTY presque atteint !). 

 

 

 

 

À gauche encore

 

  Le Parti Socialiste se lâche donc et nous propose non pas un, mais deux documents hautement motivants !

 

 

  Premier document : un rapport intitulé « Éducation et formation pour l'égalité », dans lequel on peut lire que « La guerre de tranchées entre « pédagogues » et « disciplinaires », doit être dépassée ». Effectivement, il suffit de donner la victoire aux premiers. On mettra au centre de l'école nouvelle notre ami le « socle commun », on y fera de l'« expérimentation3 », on rendra la formation continue des enseignants « obligatoire4 », on relancera la « recherche pédagogique » — qui hélas se portait déjà plutôt bien, pour notre malheur à tous — et on se débarrassera de l'évaluation chiffrée (i.e. les notes), « facteur de stress et de compétition ». Ça fait envie.


  À côté de ça, on primarisera le collège via la « participation d'enseignants du primaire au collège et réciproquement dans le cadre de projets communs, avec du temps dégagé pour le travail d’équipe, une formation initiale et continue partiellement commune et un travail collectif sur les contenus et procédures d’évaluation » et on en élargira le panel disciplinaire en «faisant une large place, aux côtés des enseignements généraux, à la culture scientifique et technologique ainsi qu’à la culture professionnelle5 ». On fera évidemment de nouveaux programmes — ça faisait longtemps — avec des enseignements « plus transversaux, plus ouverts sur les activités artistiques et sportives5 ». Je brûle littéralement d'impatience.

 

 

  Et évidemment, c'est bien mieux en mettant en place « un nouveau contrat avec les enseignants » (point DARTY presque atteint !)

 

 

 

 

  Deuxième document : un rapport sur le collège du Laboratoire des idées du même PS, intitulé « Collège de tous, réussite de chacun » (juillet 2010). Après s'être pourtant dits « pour la revalorisation des savoirs », les auteurs du rapport nous proposent de bousculer leur hiérarchie car « la hiérarchie des savoirs valorisés dans la vie courante est exactement inverse de celle des savoirs scolaires : elle met au premier rang le numérique, les images, la musique, le cinéma, les pratiques sportives qui n’ont qu’une place très minime à l’école ». Là, on sent qu'on va passer un mauvais moment…

  Et effectivement, il conviendrait de créer « un horaire de pratique et d’enseignement de « culture médiatique » (codes et symboles, production et consommation des médias, métiers de l’information), que prendraient en charge des enseignants volontaires6 et formés à cet effet. »,  d'« accorder beaucoup plus d’importance aux arts du faire et aux arts du dire7 », de « revaloriser la culture technologique, qui doit se fonder sur la démarche de projet ».


  On croisera dans ce rapport quelques idées vraiment farfelues, du type « les élèves doivent être davantage impliqués dans l’entretien des locaux et dans la chaîne de restauration scolaire » (je vais arrêter de manger à la cantine), ce qui va avec le fait que « le rôle pédagogique des agents d’entretien et de restauration doit être particulièrement développé et conforté ». On ira même jusqu'à créer un « concierge-éducateur », si si ! Il pourra ainsi discuter éducation avec les parents qui occuperont la « salle des parents » judicieusement placée à côté de celle des profs, afin qu'on ne soit jamais tranquille.


  Et pour ceux qui pensaient ma note de bas de page n°5 franchement tirée par les cheveux, on nous propose un tableau des horaires en collège, bourré d'« heures de travail personnel », d'« activités dirigées », d'« heures projets » et de « travail personnel encadré8 ». Et donc, à votre avis, combien d'heures de français en classe entière en 6e et en 5e ? Dites un chiffre.

 

 

  La réponse est trois9. Je rappelle qu'en ce moment, on a cinq heures de français en sixième, et que cet horaire est insuffisant vu le niveau des élèves qui arrivent. Alors imaginez avec trois heures…

 

 

  Et évidemment, tout cela ira mieux grâce à un « discours de confiance » (point DARTY presque atteint !)

 

 

 

 

Partout ! 

 

  Mais tout cela n'est pas grand chose face à l' « Appel de Bobigny », torchon pédagogiste co-signé par la FCPE (une des deux fédérations de parents d'élèves, je vous le rappelle), l'UNEF (principal syndicat étudiant), le CRAP (inénarrable association qui produit les merveilleux Cahiers Pédagogiques, revue qui donne assez vite des boutons) le SE-UNSA et le SGEN-CFDT (syndicats enseignants pédagogos à mort), le SNUipp (syndicat majoritaire du primaire, qui ne vaut pas mieux que ceux que je viens de citer) et… le SNES10 (!?!!11). Qu'y dit-on de ce qu'il faut faire pour changer l'école ?

 

  • on y dit que « le 21e siècle sera celui du développement durable et nous affirmons l’urgence de la mise en œuvre d’une éducation à l’environnement et au développement durable accessible à tous, permettant de s’impliquer dans la vie de son territoire et qui donne les moyens de prendre des initiatives et d’agir avec les autres ».

 

  • on y dit qu'il faut «  garantir à tous les jeunes, à l’issue de la scolarité au collège, la maîtrise évaluée des éléments (connaissances, compétences, savoir- être et savoir-faire) indispensables à l’accès et à la réussite dans les enseignements diversifiés du lycée et à l’objectif de 0 sortie du système éducatif sans qualification reconnue, à l’accès à la citoyenneté ». Bref : le socle commun et ses savoir-être…

 

  • on y dit qu'« une place plus importante devra notamment être accordée à l’éducation artistique, l’éducation physique et sportive, l’éducation à la citoyenneté, l’enseignement des langues et la maîtrise des outils informatiques et de communication et de leurs usages, qui contribuent à la réussite et l’épanouissement de tous les enfants et qui constituent une part importante de la culture des jeunes ». On sent encore que le français et les maths vont morfler.

 

  … Et je vous passe les liaisons CM2/6e à base de projets communs, la redéfinition du statut des enseignants, le « Vivre ensemble », le rôle accru des parents partout et tout le temps, les  « méthodes pédagogiques actives12 », la fin des redoublements, la réflexion sur les  « modes d'évaluation »13… bref, tout ce qu'on aime ! 

 

 

  Et évidemment, ça se passera mieux avec la mise en place d'un « contrat de confiance » (point DARTY atteint ! Bravo !).

 

 

 

 

Conclusion

 

  Je vous le dis : on est mal parti !     

 

 

 


1. Le slameur lui-même s'y est mis : voir ici. Il dit d'ailleurs nettement moins de bêtises que la plupart des hommes politiques sur le sujet. Mais encore plus sérieusement, si vous avez une heure et demie devant vous, je conseille plutôt cette vidéo : 

 

2. c'est-à-dire faisant partie de ceux qui, sous prétexte de guérir le malade, l'achèvent. 

3. Avec les élèves de ZEP comme cobayes, comme d'habitude…

4. Et vu la qualité des formations qui nous sont généralement proposées, je peux vous le dire : ça va pas faire des Chocapic…

5. Là, il faut décrypter : ça veut évidemment dire qu'on diminuera les horaires des matières fondamentales. Par exemple le français. Mais à la place, on fera de la découverte professionnelle ou du sport : youpi !

6. Volontaire : forcé. (Dictionnaire de l'Éducation Nationale)

7. Et si vous regardez à votre gauche, vous apercevrez un magnifique exemple de jargon pédagogique…

8. Le retour des TPE ! Quelle bonne idée ! 

9. Que les profs de maths se rassurent : ils n'en auront pas davantage. Mais on aura tous droit à deux heures de « travail personnel » en groupes restreints, où les élèves feront leurs devoirs sous notre houlette. Comprenez donc qu'on n'y enseignera pas, ou à la marge. 

10. Syndicat National de l'Enseignement Secondaire, nettement majoritaire.

11. Mais pourquoi le SNES vient-il cautionner ça ?

12. Attention, adorables lecteurs, adorées lectrices ! Une « méthode pédagogique active », c'est une chose très clairement définie dans le brouet des sciences de l'éducation. Ça signifie que l'on rend l'apprenant acteur de ses apprentissages afin qu'il construise ses savoirs à travers des situations les plus proches possibles du réel : pédagogie de projet, pédagogie de la tâche, méthodes inductives, situations-problèmes et tout le tintouin.

13. La suppression des notes, donc. Mais là, comme vous avez lu l'article depuis le début, je pense que vous n'aviez plus besoin de cette précision.

 

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commentaires

P
<br /> Jean-François Copé a immédiatement précisé que cet examen aurait 100% de réussite obligatoire :<br /> <br /> http://www.generationfrance.fr/web/tl_files/pdf/GF_reunion2610.pdf<br /> <br /> Comment ? Réponse : "aux équipes pédagogiques de prendre toutes les mesures qui s'imposent". "Prendre les mesures qui s'imposent", c'est très bien pensé, ça. Complet, original, précis, solidement<br /> ancré dans le réel. On sent qu'il a réfléchi à la question sous toutes ses coutures. Copé n'est pas énarque pour rien.<br /> <br /> Bref, si Copé est plutôt bas dans l'échelle Darty, son score "école des fans" est, au contraire, au plus haut. 100% !<br /> <br /> <br />
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J
<br /> salut Celeborn,<br /> <br /> Toujours aussi pertinent et avec humour en plus, ce qui permet de relativiser...un peu...Sur l'examen en CM2 j'ai souvenir d'avoir passé, c'était en 1985, ce que l'on appelait dans mon école<br /> primaire, "le sondage" qui établissait un classement.<br /> <br /> Mon premier examen qui n'était pas éliminatoire,les parents pouvaient intervenir pour le passage en sixième, mais qui permettait aux instits et aux parents d'évaluer le niveau de l'élève.<br /> <br /> Cet examen portait sur deux matières fondamentales en primaire, le français et le calcul mental. J'ai encore souvenir de mes notes sur 100, 75 en français et 81 en math. Mon père avait lu ces notes<br /> et m'avait simplement dit : "tiens tu n'es que troisième, derrière Patrick et Bérangère".<br /> <br /> Cette petite anecdote pour dire que l'instruction va de paire avec l'éducation des parents, plus ceux-ci sont portés sur le parcours scolaire de leur enfant, mieux ce dernier est armé pour<br /> étudier.<br /> <br /> On n'améliorera pas le système sans impliquer les parents, quitte à les "RE-responsabiliser".<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Patrice, l'exemple de l'ex-URSS était-il hors de propos ?<br /> A première vue et s'agissant de la lettre, certainement. Et la récupération politique systématique opérée par les autorités de ces pays au détriment des artistes ou des sportifs de haut niveau est<br /> indéniable.<br /> Pourtant, ce sont bien ces mêmes valeurs de dépassement de soi et de perfectionnisme, permettant à chacun d'aller au bout de ses capacités, qui manquent tant aux "élèves lambda" français et à leurs<br /> parents ! Sauf que, curieusement, ce n'est pas vraiment le discours qu'on entend chez nos politiques se plaçant les uns après les autres dans les starting blocks pour 2012, tout comme chez leurs<br /> alliés les "sociologues" et autres "experts" de l'éducation se tenant le plus loin possible des salles de classe. Il est vrai qu'en faire des tonnes sur le "contrat de confiance" (petit clin d'œil<br /> à Celeborn !) ou bien les notes "stigmatisantes" est tellement plus simple et plus "payant" en vue des échéances électorales...<br /> <br /> <br />
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P
<br /> Mihailovich, vous vous trompez ou d'adresse, ou de discours : je n'ai pas dit un mot ni pour, ni contre, ni même sur, aucun système politique.<br /> J'ai seulement répondu à Aurore concernant les remarquables performances des sportifs d'URSS, comparables à celles de l'Allemagne d'entre-deux-guerres, les mêmes causes produisant les mêmes effets<br /> : valorisation de la performance physique et de l'esprit de compétition, utilisation du sport de haut niveau comme propagande internationale... Bref, tout cela me semblait hors de propos quant il<br /> s'agissait de l'éducation physique proposée à l'élève lambda.<br /> PS : ... et je n'ai rien non plus contre le sport !<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Cher Patrice, le système éducatif de l'ex-URSS tel que je l'ai effectivement connu (durant les années 1980) était effectivement l'un des plus performants au monde, et ce indépendamment des travers<br /> du régime politique que chacun connaît. Quelques raisons en vrac : pas de pédagogisme ni d'"élève au centre" (programmes à la fois progressifs et exigeants, et ce depuis la "remise en ordre"<br /> décidée par Staline suite aux délires de la Kroupskaïa), méthodes de lecture strictement alphabétiques, pas d'attitude de "consommateurs" de la part des élèves comme des parents - car chacun avait<br /> droit à son lot de privations -, respect des professeurs, valorisation du mérite et de l'effort, et j'en passe.<br /> Et le cours correspondant à l'EPS française s'appelait bien "culture physique". C'est tout dire.<br /> De même qu'à l'écoute d'une oeuvre de Wagner on fait abstraction de la personnalité abjecte du compositeur, il convient ici de prendre de la distance face à un certain contexte politique et ce pour<br /> éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain.<br /> Critiquer à juste titre un régime politique tyrannique ne doit pas conduire à promouvoir la démocratie là où elle n'a pas lieu d'être, à savoir à l'école.<br /> <br /> <br />
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