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24 mars 2012 6 24 /03 /mars /2012 18:08

 

  Billet d'humeur court sur un sujet pas facile. 

 

  Vous avez peut-être assisté au déchaînement médiatique au sujet d'une de mes collègues qui aurait fait respecter une minute de silence en l'honneur de l'assassin de Toulouse (un article parmi d'autres). 

 

  Son nom et son établissement d'exercice ont été donnés. La première information qui est parue signalait qu'elle avait effectivement fait respecter cette minute de silence (titre de la nouvelle sur le site d'un grand hebdomadaire français : Luc Chatel fait suspendre une enseignante après une minute de silence pour Merah). Un courrier des élèves de la classe a également été publié : 

 

Aujourd'hui, le vendredi 23 février 2012, nous commençions un nouveau chapitre en cours d'anglais, avec Mme XXX, intitulé "Nature Pride" (c'est-à-dire la fierté d'être un natif). Ce sujet traite du patriotisme des Indiens d'Amérique.

Mme XXX a tout d'un coup dérivé sur un autre sujet : l'affaire Mohamed Merah.

Il est tout d'abord inapproprié de parler de cette affaire en cours d'anglais et de plus elle a soutenu des propos qui nous ont tous outré voir choqué.

Mme XXX a clairement dit que Mohamed Merah était une victime, que le lien avec Al Quaida avait été inventé par les médias et "Sarko".

Elle a ajouté qu'il serait possible de faire une minute de silence pour cette "victime".

Voyons que nous étions en désaccord, elle nous a dit que nous devions sortir, ce que 16 élèves sur une petite vingtaine ont fait, les autres sont restés en essayant de comprendre ses propos.

Veuillez croire que notre acte était justifié et qu'il n'était en aucun cas dans le but de perturber le cours de Mme XXX.

Ceci s'ajoute au manque de respect qu'elle a envers ses élèves perpétuellement.

 

Une lettre de ses collègues, qui ne présente pas vraiment les choses de la même façon, a également été publiée : 

 

COMMUNIQUE DE PRESSE DES ENSEIGNANTS DU LYCEE FLAUBERT

 

Les enseignants du lycée Flaubert sont atterrés et extrêmement choqués par l'emballement médiatique qui a suivi un incident de classe.

 

Dans un contexte émotionnel très sensible, des échanges verbaux entre une enseignante et sa classe ont été divulgués instantanément par un parent d'un élève de la classe, publiés immédiatement et sans vérification par organe de presse . L'identité de la collègue a été révélée.

L'article rédigé à charge qui a été immédiatement publié contient des approximations et un mensonge majeur : Aucune minute de silence n'a été organisée dans cette classe .

Si des maladresses ont été commises, elles sont regrettables mais nous pensons qu'elles ne sont motivées par aucune volonté de prosélytisme, ni présupposé ou arrière-pensée politique.

La fragilité de notre collègue était connue par les services du rectorat.

Dans ces circonstances, nous pensons qu'elle doit bénéficier de la protection et de l'accompagnement de son administration.

 

Le calme et la sérénité sont plus que jamais nécessaires et nous demandons que les procédures existantes puissent suivre leur cours, sans que notre collègue soit jetée en pâture aux médias.

 

Sans préjuger des conclusions des procédures, nous apportons notre soutien moral à notre collègue.

 

  Aujourd'hui, notre Président a fait huer ma collègue en meeting.

 

  Je ne sais de quoi ma collègue, dite fragile psychologiquement par plusieurs sources, est réellement coupable. Et pour cause : on a besoin de temps pour démêler les fils de cette histoire. Or nous assistons à un lynchage express de ma collègue, qui n'a peut-être eu qu'une parole malheureuse ou mal comprise, si ça se trouve.

 

  Mais quand bien même elle aurait réellement dit des choses graves, indignes, insupportables, ce n'est pas une manière de traiter un être humain : la France est un État de droit et non un pays archaïque soumis à la la perversion du principe du bouc émissaire. 

 

  Lâcher en pâture aux médias et au tout venant des informations non vérifiées et sujettes à caution sur une personne psychologiquement fragile est un acte d'une incroyable gravité. C'est pourquoi, nonobstant l'horreur qu'ont pu vivre les proches des victimes de Toulouse, on ne peut décemment se permettre une telle façon de procéder.

 

  Veut-on tuer ma collègue ? Si c'est le cas, que l'on poursuive ce déchaînement médiatique à son égard : on peut effectivement y arriver. 

 

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29 février 2012 3 29 /02 /février /2012 11:09

menteur

 

 

  Hier a eu lieu le discours du candidat à l'élection présidentielle Nicolas Sarkozy sur l'Éducation Nationale.

 

  Il ne s'agit pas pour moi dans ce blog de défendre un positionnement politique quelconque, mais je tiens simplement à faire connaître à ceux qui les ignoreraient un certain nombre de réalités du métier de professeur, afin de remettre certaines propositions en perspective. Libre à chacun de se faire son avis ensuite. Mais je crois qu'il est important que, sans polémique, on fasse connaître les vérités sur notre métier. Sans cette base, on ne peut pas faire preuve d'esprit critique sur ce que les différents candidats et partis proposent pour nous pourrir améliorer l'existence.

 

  Tout d'abord, les 18 heures de cours/semaine (je prends le cas le plus courant dans le secondaire, à savoir le professeur certifié1) sont la partie émergée de l'iceberg, puisqu'en moyenne, un professeur du secondaire travaille 39h47 par semaine (et 19,4 « jours de congés travaillés » par an, formule amusante s'il en est). Cette moyenne cache des disparités, puisque dans les disciplines littéraires, on monte à près de 43h/semaine (et + de 24 jours de congés travaillés). Quoi qu'il en soit, chaque discipline est au-dessus de 35h, c'est certain2. Premier point qu'il convenait de rappeler quand on demande aux professeurs de « travailler plus ».

 

  Ensuite, un certifié à 18h, comme on l'aura déjà appris dans l'enquête mentionnée dans ma note de bas de page, peut faire des heures supplémentaires. Ça lui est même vivement conseillé depuis quelques années (à tel point que les chefs d'établissement cherchent souvent à convaincre les collègues d'en prendre), car le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux a entraîné une explosion de ces heures dans les DHG3 des établissements. Vu le tarif de l'heure sup', pour avoir 500 euros brut de rémunération supplémentaire par mois, ça donne en gros 3 heures supplémentaire à faire par semaine. Donc un total de 21h.

 

  À partir de cette information, je vous propose de mettre en perspective l'annonce selon laquelle on revaloriserait les professeurs certifiés en les faisant passer à 26h/semaine pour 500€ brut de rémunération supplémentaires par mois. Amusant, n'est-ce pas ?a 

 

  Alors notons bien que le flou a été entretenu sur ce à quoi serviraient ces 8h de plus. Quoi qu'il en soit, tout le monde aura bien compris que ce n'est pas pour rémunérer le temps que les professeurs passent DÉJÀ dans leur établissement à faire des réunions, des photocopies, des projets, des entretiens avec les parents, à avoir des échanges avec la vie scolaire, la direction, les collègues. Tout laisse à croire que ce sont bien 8h devant élèves dont il est question. Alors soit c'est pour faire des choses telles que du soutien, de l'accompagnement, et en fait ça, ça existe déjà et c'est mieux payé que ce qui est proposé là. Soit ce sont de véritables heures de cours, et là, on a trouvé un nouveau moyen pour à la fois supprimer des postes (c'est mathématique : plus les enseignants d'une discipline ont d'heures, moins il y a de postes dans la discipline) et augmenter la consommation d'antidépresseurs et le taux de suicide4.

 

  Je profite de la fin de cet article pour ajouter une petite touche humoristique : un candidat qui promet que chaque enseignant aura son bureau dans son établissement :

1) n'a clairement aucune notion d'architecture. C'est physiquement impossible.

2) dispose en revanche de sacrées notions en matière budgétaire, puisque ce sont les collectivités locales qui gèrent les établissements scolaires sur le plan matériel, et non l'État. Donc ça ne lui coûte rien de le promettre, puisque ce serait aux mairies, aux conseils généraux et aux conseils régionaux de le faire. 

 

  À très vite pour d'autres brèves de campagne. N'hésitez pas à m'écrire pour me signaler la dernière promesse amusante, la dernière proposition délirante ou problématique que vous aurez entendue.

 

 


1. Collègues de primaire, je vous propose d'expliquer votre semaine de travail dans mes commentaires : je crois qu'elle est assez gratinée…

 

2. Ah oui, ce n'est pas moi qui le dis, c'est une enquête de mon ministère datant de 2002, i.e. avant l'explosion des heures supplémentaires et de la réunionnite. 

 

3. Dotation Horaire Globale. Le volant d'heures avec lequel on fera tourner l'établissement l'année suivante, volant comportant automatiquement une part d'heures supplémentaires, qui s'accroît chaque année. Au collège Jean-Baptiste Poquelin, par exemple, on est à 8,3 % d'heures supplémentaires dans la DHG. En lycée, c'est encore davantage. 

 

4. Rappelons que selon une étude de l'Inserm en 2002, le taux de suicide des enseignants est + de deux fois supérieur (39/100 000 VS 16,2/100 000) à celui des autres professions. 

 

a. Un ami (il se reconnaîtra) me fait remarquer que si on met tous les chiffres dans le bon sens (notamment partant du principe que le traitement est payé 12 mois là où les heures supplémentaires ne le sont, à ma connaissance, que 9), ça correspond plutôt à 5 heures supplémentaires qu'à 3. Ça ne change pas le fond du propos, mais autant être exact. 

 

 

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