L'informatique, c'est fantastique !
Or donc, cette semaine, c'étaient les élections syndicales dans l'Éducation Nationale. Mon syndicat (le SNALC) se réjouissait assez curieusement du fait qu'elles se déroulassent par voie électronique, invoquant le fait qu'on a moins de pression de la part de collègues mal intentionnés quand on est seul devant son écran que lorsqu'on vote avec des papiers dans son établissement1. Pour le coup, je disconviens respectueusement : ce vote électronique a été une pantalonnade, une vaste blague.
Passons sur les problèmes purement techniques — nombreux — allant de la mauvaise version de Java qui n'allait pas au navigateur qui ne convenait pas, en passant par le temps de chargement infini, ou encore le vote qui ne s'affichait pas. Mais rien que la procédure était délirante. Il fallait
- retirer au secrétariat de l'établissement une enveloppe contenant votre identifiant et votre NUMEN2 — à gratter comme un ticket de la Française des jeux — et le tout avant une certaine date ;
- Se connecter à l'aide de ces informations (et du n° de votre département de naissance) sur le-site-qui-va-bien pour obtenir son mot de passe ;
- Aller enfin voter sur un ordinateur technologiquement compatible avec le site de vote à l'aide de ce mot de passe… et de l'identifiant contenu dans la première enveloppe, qu'il fallait soigneusement conserver !3
Tellement plus simple que d'attraper des bulletins de vote et que de les mettre dans une urne après avoir montré un papier d'identité, n'est-il pas ? Je pense notamment à mes collègues qui nous parlent d'un temps que les moins de 30 ans… et qui posent parfois le même regard sur un ordinateur que moi sur une machine à coudre SINGER™. Conclusion, la participation s'est effondrée. Alors il y a probablement d'autres raisons, la désespérance, la résignation, tout ça…mais entre ceux qui ont raté l'enveloppe, ceux qui ont jeté ou égaré le papier, ceux qui ont eu des problèmes techniques, ceux qui n'ont apparemment pas réussi à toujours voter pour tout et ceux qui n'y ont tout simplement rien compris, je pense qu'on a perdu quelques électeurs en chemin.
Deuxième information d'importance : mon syndicat progresse, donc il n'est plus représentatif au plan national. Non non, je n'ai pas soudainement perdu l'usage de la raison : mon syndicat a enregistré une nette progression dans le secondaire (dans les CAPA4) et, parallèlement, il est absent de la CTM et de la plupart des CTA, c'est-à-dire des organes de la représentativité syndicale. Comprenez par là qu'on va nous couper les bourses. Et sans moyens, un syndicat, ça fonctionne beaucoup moins bien (je ne parle pas tant d'argent ici que de décharges syndicales i.e. de temps pour faire correctement du syndicalisme).
Au final, nous sommes donc davantage représentatifs, mais ne sommes plus représentés . Comment cela est-il possible ? Eh bien c'est la loi, admirable lecteur, éclairée lectrice. La loi sur la représentativité syndicale fait que c'est l'élection où tout le monde vote ensemble — celle pour le CTM (et non celles des CAPN comme avant), dont on a raboté le nombre de places au passage — qui détermine quelle organisation pourra avoir des moyens ; or nous, nous sommes un syndicat des enseignants du secondaire. Autant dire que lorsque l'on additionne les voix des enseignants du primaire, du secondaire, du supérieur et des… personnels de direction et des inspecteurs (si si, eux aussi !), on pèse beaucoup moins lourd, même en ayant fait une alliance.
Bref, chers collègues du secondaire qui lisez ce blog, sachez que vous avez voté pour nous en nombre, que nous sommes touchés de votre confiance, et que nous ne pourrons hélas l'honorer comme nous l'aurions voulu car nous perdons la plus grande partie de nos moyens de fonctionnement. En fait, nous avons gagné, mais comme on a changé les règles du jeu, nous avons perdu. La démocratie, quoi…
1. Il faut ici rappeler que mon syndicat a souvent mauvaise presse ( « la calomnie, monsieur, la calomnie… »). Nous serions de droite (ce qui, en soi, ne me semblerait pas une honte : techniquement, le Parti Socialiste l'est aussi quand on regarde son programme… mais en plus, pour nous, c'est faux), voire — et c'est là que les rumeurs vont bon train — d'extrême droite (fichtre ! Rien que ça !). De là à ce que nous sacrifiions des bébés sur des autels surplombés du portrait de Jean-Marie Le Pen, il n'y a qu'un pas que certains collègues n'hésitent d'ailleurs pas à franchir. Accessoirement, pour en avoir hanté les couloirs, je n'ai trouvé ni croix gammées, ni musique militaire, mais bien des gens de toute obédience, du vrai droitier au pur gauchiste. J'arrête là, sinon cette note de bas de page finira par être plus longue que l'article (« C'est déjà fait ! », me souffle-t-on).
2. le NUMEN, pour un prof, c'est l'équivalent de votre code de sécu. On ne sait jamais quand on va en avoir besoin, mais quand on en a besoin, mieux vaut l'avoir sur soi !
3. J'ai eu une suée à ce moment-là, avant de me rendre compte qu'intelligemment, j'avais laissé la feuille devant l'ordi, ouf !
4. Attention, nous entrons dans une zone de sigles imbittables, veuillez attacher vos ceintures. Pour faire vite (j'arriverai peut-être ainsi à dissimuler le fait que je n'y comprends pas tout !), les CAPA s'occupent des mutations, de la notation et autres dans votre académie et pour votre corps (certifié, agrégé, etc.) ; la CAPN travaille là-dessus au plan national, le CTM est l'organe de la représentativité syndicale au plan national (là où on présente les réformes), et le CTA est la même chose au plan académique. Désolé pour cette note de bas de page particulièrement abstruse : la prochaine note de bas de page, pour compenser, racontera une blague de Toto.
5. C'est Toto qui rentre chez lui et qui annonce à sa mère : - Maman, tu devineras jamais, mais je suis meilleur que la maîtresse. - Ah oui Toto ? Mais comment ça ? - Ben la maîtresse reste dans la même classe, alors que moi, je passe dans celle du dessus !