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22 mai 2010 6 22 /05 /mai /2010 16:06

escher-Escalier

Élèves gravissant les marches menant à l'acquisition du socle commun (allégorie)

 


« Encore un article sur le socle commun ? il va falloir investir dans un distributeur automatique de pop-corns, m'sieur ! »

Eh bien Vadius, qu'attendez-vous pour utiliser vos compétences acquises en cours de technologie pour m'en fabriquer un ? En voilà, une jolie tâche complexe à réaliser !

 

  Alleluia ! Nous allons enfin savoir comment appliquer la chose ! Not'bon'ministère a en effet sorti un fort beau document, d'une soixantaine de pages, intitulé Le livret personnel de compétences : repères pour sa mise en œuvre au collège (à télécharger ici). 14 fiches et quelques annexes plus tard, nous voilà fin prêts — du moins en théorie — pour valider items et compétences avec la maestria d'un Mozart composant une fugue pour pipeau. Petit résumé pour vous, avides lecteurs, et aussi pour vous, zélées lectrices.

 

 

INTRODUCTION : la liberté de faire ce qu'on vous dit de faire.

 

  Après quelques rappels de la loi, on nous explique que le S3C1 est le « véritable fil d'Ariane de la scolarité ». Ariane, ma sœur, tu n'avais pas mérité de voir ton fil ainsi embrouillé, déjà que tu mourûtes aux bords où tu fûtes laissée2, et que c'était assez dur à vivre comme ça sans qu'il fût besoin d'en rajouter. Mais puisque nous métaphorons à tout va, sachez que le labyrinthe, nous allons le voir, ce n'est pas tant la scolarité de l'élève que la mise en place dudit S3C. Mise en place qui ménage habilement la liberté pédagogique de chacun et le respect de l'intérêt de tous, comme nous pouvons le constater : 

 

« Il est fondamental, tout en organisant une cohérence d’ensemble du système, de respecter la liberté de pratiques de chacun [c'est moi qui graisse], en expliquant l’utilité et l’intérêt du changement, en développant des pratiques d’aide et de soutien dans tous les cadres d’intervention (formations, animations, inspections).

  Un travail d’analyse, d’élucidation et d’explication est également nécessaire pour convaincre de la nécessité d’une évolution dans les pratiques des enseignants. Il est déterminant de « bien faire comprendre à tous l’intérêt des ruptures proposées tout en montrant dans quelle logique et continuité ces évolutions s’inscrivent »

 

  J'te manque pas de respect, prof : j't'explique ! Nous revoilà dans la rhétorique préférée de l'EN : si vous n'êtes pas d'accord, c'est qu'en fait vous n'êtes pas encore d'accord ! Mais rassurez-vous, chers enseignants : un jour, l'esprit saint vous tombera sur le coin de la figure ; vous comprendrez comment procéder à des ruptures dans la continuité (ou l'inverse) ; et vous aurez alors toute liberté d'appliquer ce qu'on vous dit d'appliquer car vous verrez que cela est bon. Amen. Un p'tit coup d'Évangile selon saint Pédagol pour ficeler tout ça :

 

« On s'attachera à mettre en évidence la complémentarité entre une approche disciplinaire et une approche pédagogique transversale de chaque enseignement afin d'accenteur (sic) la cohérence entre discours et pratiques. »

 

  Et voilà le S3C sur de bons rails (personnellement, la phrase m'évoque plutôt l'idée d'une voie de garage, mais je dois encore être un païen). Bon, c'est pas tout ça les profs, mais on va vous expliquer comment procéder, maintenant !

 

 

FICHES N°1 ET 2 : définition de la compétence par quelques incompétents

 

  Dekoicékonkoz ? De la compétence, pardi ! C'est le moment d'enfin savoir ce que c'est, une compétence. Pour ce faire, plusieurs « chercheurs »3 sont convoqués dans un grand élan francophone (puisque l'on nous propose des définitions belges et canadiennes) afin de faire le point sur la notion. Autant vous dire qu'on ne va pas éclaircir grand chose, mais plutôt se gargariser de fort belles expressions telles que « la capacité d'associer une classe de problèmes précisément identifiée avec un programme de traitement déterminé » (celle-ci est de notre ami Philippe Meirieu, homme compétent s'il en fut jamais), le « savoir-mobiliser » (mais que c'est joli !), l'« ensemble intégré et fonctionnel de savoirs, savoir faire, savoir être et savoir devenir »4 ou même « un savoir agir complexe prenant appui sur la mobilisation et la combinaison efficaces d'une variété de ressources internes et externes à l'intérieur d'une famille de situations » (À vos souhaits !). Heureusement, notre fiche repère est là pour synthétiser ce gloubi-boulga :

 

« Une compétence consiste en la mobilisation d’un ensemble de ressources diversifiées internes (connaissances, capacités, habiletés) et externes (documents, outils, personnes) renvoyant à la complexité de la tâche et au caractère global et transversal de la compétence. Les compétences s’exercent dans des situations contextualisées mais diversifiées qui impliquent un processus d’adaptation (et non de reproduction de mécanismes) et de transfert d’une situation à l’autre. »

 

  Voilà qui est tout de suite nettement plus clair : nous sommes sauvés ! Nous savons désormais que la compétence, véritable Ouroboros5 pédagogique, renvoie au caractère global de la compétence. Fort de cette certitude, nous allons donc pouvoir « provoquer le regard instruit de nos élèves » (ce qui est apparemment l'enjeu majeur de la formation du sachant devenir citoyen). Afin d'y parvenir, nous serons munis de notre attestation subdivisée en compétences (ex-piliers, au nombre de 7) subdivisées en domaines (26) eux-mêmes déclinés en items (une centaine : on n'allait quand même pas se fatiguer à les compter précisément...). Et maintenant, c'est l'heure de cocher les p'tites cases !


  À très vite pour la suite. Vous y découvrirez qu'évaluer et valider, ce n'est pas pareil ; qu'une tâche complexe n'est pas une tâche compliquée ; qu'un élève impliqué en vaut deux, mais que pour qu'il soit impliqué, ça ne va pas être de la tarte ! 

 


 

1. Socle Commun de Connaissances et de Compétences. Apparemment, vous n'êtes pas un lecteur régulier, vous. Une solution : inscrivez-vous à la newsletter, là, dans la colonne de droite !


2. Librement adapté de Racine, qui conjuguait nettement mieux que moi.


3. Oui, mes guillemets sont purement mesquins. 


4. Si vous vous demandez ce que peut bien être un savoir devenir, sachez que je n'en ai aucune idée ! 

 

5. Si vous vous demandez ce que peut bien être un Ouroboros, c'est le moment de savoir-mobiliser votre compétence « rechercher sur Wikipédia ». Je ne vais quand même pas tout savoir-faire à votre place, non mais ! Un peu de savoir-vivre !

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commentaires

C
<br /> On est bien d'accord, Patrice. Le problème majeur des sciences de l'éducation - sans même qu'il soit besoin d'en recourir aux autorités - c'est que leur assise scientifiques est souvent très<br /> faible. Qu'un aspect historiographique de la chose ait un intérêt, sans aucun doute. En revanche, les diverses théories échafaudées - par des personnes n'ayant pas toujours éduqué grand monde - le<br /> sont souvent de manière fort dogmatique et idéologique, et sont transmises de même. Je me souviens encore d'un livre s'appuyant sur des expériences sur les rats censées démontrer, in fine, l'aspect<br /> nuisible du cours magistral (merci l'IUFM). les sciences de l'éducation sont bourrées de ce genre de choses, joliment développées de façon fort autarcique, expliquant d'une manière très péremptoire<br /> et ne vérifiant que rarement la validité de ce qui est expliqué (quand on n'en vient pas à torturer les chiffres pour leur faire dire ce qu'on aimerait bien qu'ils nous disent).<br /> <br /> je ne nie pas la bonne foi d'un bon nombre de "scientifiques de l'éducation" : mais on n'a jamais fondé fondé une science sur de la bonne foi.<br /> <br /> <br />
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P
<br /> Eh bien, c'est précisément ce dont je me plains (en ces lieux du moins, car ailleurs on m'entend plutôt gueuler) : les zautorités diverses et variées se sont employées, depuis des décennies, à<br /> faire n'importe quoi et le reste d'un vocabulaire qu'elles ne maîtrisaient nullement, ce qui a décrédibilisé toute science et/ou technique de l'éducation. Et voilà pourquoi nous nous partageons en<br /> "brutes" et en "bons" (et, comme vous l'avez vu, guère en "truands" - ça n'a rien d'étonnant).<br /> <br /> Patrice, au mur ou dans le mur ?<br /> <br /> <br />
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C
<br /> L'outil scripteur est employé dans de nombreux ouvrages, dans de nombreux sites et même dans de nombreux livrets de compétences de primaire. Peu importe d'où il vient : il existe dans le baragouin<br /> actuel, et c'est indéniable. Et il n'a plus rien à voir avec la calligraphie. Renseignez-vous.<br /> <br /> <br />
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P
<br /> Oups, je faillis omettre l'"outil scripteur" - issu d'une circulaire ségolénienne prônant le retour, en classes élémentaires, de la calligraphie ( Ô ciel ! que cela est donc peu Ticien ! C'est à<br /> peine si l'on y tient ! )<br /> <br /> Rien à voir, donc, avec la rédaction : il s'agissait d'un terme générique visant à éviter la répétition de la litanie "le crayon, la plume, le stylo, le pinceau, le feutre ou le schmilblic", bref :<br /> à ne pas tomber dans la littérature énumérationnelle ;)<br /> <br /> Patrice, honnêment non-royaliste (mais ça reste à creuser...)<br /> <br /> <br />
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P
<br /> Sourire... Qui vous le signale n'a pas eu besoin de chercher bien loin le "référentiel exocentré", il est quasiment au coeur de la source que je citais, et qu'"on" n'a pas pris, je le crains, ni le<br /> temps ni le soin de vraiment étudier ( survol Ticien, quand tu nous tiens ! )<br /> <br /> Faisons-lui un sort avant que de poursuivre :<br /> <br /> "...le passage incriminé porte sur l’analyse des situations de jeu. Le « référentiel exocentré » (page 100 du rapport) est celui du joueur en action et signifie, par<br /> opposition à « égocentré », qu’il oriente ses facultés de perception plutôt vers l’environnement et les autres joueurs (à qui faire la passe?) que vers lui-même (ce but, il est pour moi). Ces mots<br /> sont empruntés à un article paru en 1969 dans une revue de<br /> neurophysiologie."<br /> Comme Luc Cédelle le fait à juste titre, me semble-t-il, remarquer, on ne peut "incriminer" (j'aime cette racine latine...) au même titre le vocabulaire d'un ouvrage de recherche (sauf à décider<br /> qu'un chercheur en EPS - sissi, ça existe - soit interdit de la même terminologie dont usent les neurophysio) et celui qu'imposent les textes zofficiels aux hussards noirs - pardon, aux<br /> transmetteurs de connaissances. (Parenthèse : au bout de deux ans d'études, les futurs "profs de gym" de ce "temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas" etc., bénéficiaient d'office de<br /> l'équivalence d'une année d'anat-physio. Je vous laisse à décider si le langage exigé du carabin était plus transparent...?)<br /> Maintenant, on peut toujours remplacer "référentiel exocentré" par "attention portée au jeu collectif plutôt qu'à l'engagement personnel", mais qui alors fait de la littérature définitionnelle, ô<br /> mon oulipien préféré ? Et pour être honnête, il faut alors remplacer par des termes bien ballonnés-ballonnants nos hypoténuses, syllogismes, molécules, et chiasmes divers. Bon courage ;)<br /> <br /> A présent, et pour aborder le point qui nous presque fâche, est-il bien pertinent de contester l'"honnêteté" d'une intervention qui pointait un flagrant mensonge, que dis-je ? une propagande, voire<br /> une totale intox ? Et comme s'en irrite l'auteur de l'excellent post dont je ne me lasse point, est-ce un hasard si tout opposant de principe à toute science de l'éduc' finit - quand il ne commence<br /> pas - par citer le mirifique "référentiel bondissant" ?<br /> <br /> Bon, je me calme - koike : l'essentiel de mon message réside en ceci que les coups de pied des ânes savants commencent à me faire bien mal aux... seins. Pour le pédagogue militant, il est<br /> suffisamment pénible d'avoir été, d'être, de ( help, quel francophone aurait un participe futur à me souffler ? ... ) cocufié par les inspecteurs, recteurs, ministreurs, à coup de déformations de<br /> leurs travaux, pour ne pas, horresco referens, se voir de surcroît chargés de tous leurs péchés.<br /> Et si moult exemples de jargon peuvent se dénicher dans les circulaires qu'on nous inflige, il n'est pas à chercher bien loin pour citer à foison les mauvais procès dans les posts de ceux qui<br /> n'ont, en tout cas, pas étudié une des sciences essentielles de l'éduc' : son histoire. Ancienne aussi bien que récente...<br /> <br /> Patrice, coup de cent (ans)<br /> <br /> PS : vous savez bien, et me le pardonnerez en tant que collègue ( et non : "potache" ) que m'insupporte toute citation inexacte. A commencer par celles de mon cher Michel...<br /> <br /> <br />
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