Le taulier du blog Je Suis en retard s'est délocalisé cette semaine dans une ville d'une fort jolie couleur afin de rencontrer tout un tas d'autres énergumènes aussi atteints que lui : une cohorte de profs qui souhaitent transmettre des connaissances et qui conchient les dernières innovations de not'bon'ministère et de nos bons partis1.
Je fus accueilli, chouchouté, diablement bien nourri, mis en présence de collègues intéressants et même passionnants, et passai ainsi une semaine riche. Mais un détail mérite d'être rapporté, je crois. Lors de l'ouverture du congrès, une invitée d'un genre un peu spécial3 fut priée de nous parler de ses idées sur l'éducation : madame Belzébuth4. Et, devant notre assemblée de réacs', elle tint à peu près ce langage :
Elle commence tout feu tout flamme, à l'aide d'une citation de François Dubet5 assortie d'une référence aux enquêtes PISA, qui lui permettent d'affirmer que, dans l'éducation, « des avancées remarquables ont eu lieu6. »
Légers remous dans la salle.
Mme Belzébuth nous cite donc quelques unes des infernales avancées en question : les TPE (sorte d'épreuve du BAC destinée à rapporter des points faciles et consistant généralement en un copier/coller de Wikipédia), le Conseil Pédagogique (instance pseudo-représentative qui n'a d'autre pouvoir que celui que le chef d'établissement veut bien lui donner), le Socle Commun de Compétences (déjà longuement analysé chez votre serviteur : je n'y reviens pas).
Quinte de toux au troisième rang.
Endiablée, Mme Belzébuth évoque alors le modèle nord-européen d'éducation avec une joie non dissimulée, avant de marteler qu'il faut « cylindrer l'école primaire et le collège pour construire l'école du socle. » Pour ce faire, quoi de mieux qu'une bonne louche de « pédagogie positive » versée par des enseignants dotée d'une plus grande formation pédagogique et… d'une moins grande formation disciplinaire7.
On note un évanouissement dans la cinquième rangée à droite.
En plein discours enflammé sur la théorie des cycles qu'il faudrait reprendre, Mme Belzébuth ose la question rhétorique suivante : « est-il nécessaire que tous les élèves sachent lire au CP ? » On aurait envie de lui répondre oui, mais apparemment, la lecture, ce n'est pas la priorité de Mme Belzébuth, qui préfère demander aux professeurs de changer totalement leurs pratiques pédagogiques à chaque fois que le Conseil Régional leur fournit des ordinateurs, des tableaux numériques ou un nouveau jeu de cordes à sauter. Et c'est un ordre ! Si la région achète un moule à gaufre, prière d'étudier la Belgique en Géographie, la composition de la pâte à gaufre en Chimie et les jurons du capitaine Haddock en Français !
Des tomates pourries et des œufs qui le sont tout autant volent à travers la salle, tandis qu'on évacue un agrégé de Lettres Classiques, qui fait une crise de convulsion, en hélicoptère.
Mme Belzébuth ne restera pas (prétextant une réunion), et nous quittera donc, sourire malin aux lèvres, heureuse d'avoir fait son show. La légende veut qu'elle ait dit à la personne chargée de la raccompagner : « je ne suis pas forcément sûre d'avoir raison ». Errare humanum est, perseverare diabolicum…
Voilà pourquoi je me bats. Car peu de gens savent (surtout s'ils ne sont pas professeurs) que l'Éducation Nationale est gangrénée de Mme Belzébuth, de charlatans, de charlots, de Diafoirus, et qu'elle en crève. Et qu'elle en fait crever nos enfants, vos enfants, victimes d'expérimentations sauvages des théories les plus saugrenues et les moins scientifiques qu'on aura su trouver pour les empêcher d'être plus intelligents, plus cultivés… plus libres, quoi !
Et si ce blog vous donne, à vous aussi, l'envie de vous battre, alors je n'aurai pas perdu mon temps.
1. On appelle ça un congrès syndical, en fait. Et le premier qui prétend que ça m'a fait une semaine de vacances, je le colle en commission pendant 6h sur l'avenir des humanités, à débattre du CECRL2, des langues régionales et de l'avenir de la filière L.
2. Cadre Européen Commun de Référence en Langues. Vous aussi, découvrez si vous avez le niveau A2, B1 ou Z18 ! À noter que le niveau théorique de 5e (A2) est demandé pour… l'obtention du brevet des collèges en fin de 3e ! Le niveau monte !
3. J'ai senti avant même qu'elle ne prenne la parole, à sa vêture, à sa coiffure, à sa façon de se tenir ou à sa manière de jouer avec ses lunettes, qu'elle n'était pas venue pour nous tresser des couronnes de fleurs tout en chantant des hymnes à notre gloire d'une voix de miel.
4. Le nom a évidemment été modifié avec beaucoup de subtilité par mes soins. Notons que cette dame a une histoire dans les hautes sphères de l'Éduc'Nat', et se pique désormais de politique.
5. François Dubet est un… Non, en fait, vous ne voulez vraiment pas savoir qui est François Dubet. Sachez que vous retrouverez ses livres (nombreux) dans toutes les mauvaises librairies, et ses articles et interventions sur tous les mauvais sites (dont évidemment les inénarrables Cahiers Pédagogiques). François Dubet nous y explique régulièrement comment réformer le primaire et le secondaire, dans lesquels il n'a jamais mis les pieds.
6. Vu que la France est en chute libre dans ces enquêtes, on mesure à leur juste valeur lesdites avancées.
7. Nous n'échapperons pas à la référence montaignienne de la « tête bien faite » qui vaut mieux que la « tête bien pleine », régulièrement employée par ceux qui font tout pour former des têtes bien vides, chez les profs comme chez les élèves, et qui réussissent au-delà de toute espérance.