31 janvier 2009
6
31
/01
/janvier
/2009
09:41
Je dis toujours à mes élèves que la littérature ne parle que de deux choses : l'amour et la mort. Et j'ajoute systématiquement qu'en fait,
c'est la même chose. On ne se rend pas compte à quel point être professeur de français, c'est parler d'amour toute la journée. Il faut parfois être bien accroché.
Je me rappelle avoir parlé d'amour un jour où je m'étais pris un rateau. Déjà, un rateau, ce n'est pas la chose la plus agréable du monde, mais là, j'ai bien compris que j'étais capable d'ajouter à ma souffrance par mon enseignement !
"Alors reprenons ensemble le texte que je vous ai distribué, extrait de L'Education sentimentale : il s'agit de la dernière rencontre entre Frédéric Moreau et madame Arnoux..."
... c'est-à-dire du plus beau rateau de toute la littérature française... Bien joué ! Elle vient enfin s'offrir à lui ; il voit ses cheveux blancs et la rejette. Lui-même a raté plus ou moins sa vie. Certes, dans ce roman, "leurs yeux se rencontrèrent" , mais là, ses yeux se détournèrent, surtout. Bon choix de texte : tu vas déprimer pendant toute l'heure !
... ce qui fut fait.
Coup de chance, ensuite, j'enchaînai sur un cours en petit groupe ("aide individualisée", qu'ils appellent ça), où j'allais pouvoir reprendre du poil de la bête avec les quelques élèves (filles, pour le coup) sympathiques qui restaient avec moi. J'avais choisi d'approfondir l'étude du réalisme littéraire à l'aide d'une chanson guillerette et primesautière de...
... Barbara...
... Hagarde, elle sortit de la salle des ventes,
Froissant quelques billets dedans ses mains tremblantes,
Quelques billets froissés du bout de ses doigts nus,
Quelques billets froissés pour un passé perdu.
Hagarde, elle sortit de la salle des ventes.
Je la vis s'éloigner, courbée et déchirante.
De son amour d'antan, rien ne lui restait plus,
Pas même ce souvenir, aujourd'hui disparu.
(la chanson, c'est "Drouot". Elle mérite d'être écoutée.)
Je ne pleure jamais, mais là, je n'en étais pas loin...
"C'est triste, m'sieur !"
Ah oui Armande, c'est triste. Tiens, pour la peine, et pour se finir proprement, je vous passe "Amoureuse" de la même, comme ça ensuite on rentrera chez nous et on ira tous directement se coucher, bien déprimés !
Et puis, soudain, le gris du ciel redevient gris
Et puis soudain le poids des jours redevient lourd.
Tout est fini, tout est fini, l'amour se meurt :
Il est parti, il est parti et toi, tu pleures
Et c'est fini, oui, c'est fini.
Malheureuse [3x] .
Malheureuse [3x] , tellement malheureuse.
Heureusement, à la fin, elles m'ont demandé "L'Aigle noir" : ça nous a remonté le moral de parler d'inceste !
Par bonheur, parfois, l'amour, c'est gai ! Je n'aime rien tant qu'un sixième en train d'essayer de comprendre ce que peut bien être ce septième péché capital, la "luxure"...
"C'est quand on vit dans une très belle maison, m'sieur ?"
... si ce n'est un cinquième en plein amour courtois...
"Qu'est-ce vous voulez dire par "les amants étaient supposés consommer", m'sieur ?"
... quoiqu'un quatrième confronté à la symbolique du vampire...
"C'est attirant mais potentiellement dangereux, ça se passe généralement la nuit, et on en ressort le matin vidé de son énergie ? Non, m'sieur, j'vois pas ce que ça peut être..." (classe de 4e Platon)
"C'est le SEXE, m'sieur !!!!!" (classe de 4e Sade)
Quant aux 3e, l'étude de l'autobiographique est toujours une période riche en confidences de la part des demoiselles, qui ne peuvent s'empêcher de me parler de leur première fois dans leurs "Je me souviens..." Remarquez, elle le font avec beaucoup de pudeur, et le résultat est touchant (sauf celle qui s'est souvenue s'être pris une cuite et avoir ensuite dansé nue sur le frigo... là, j'ai eu + de mal ^^).
En tous les cas, l'amour fait toujours tourner le monde, la tête des élèves comme celle de leurs enseignants, et c'est très bien comme ça ! Cela nous fait au moins un sujet de conversation sur lequel nous sommes capables de nous comprendre.
Je me rappelle avoir parlé d'amour un jour où je m'étais pris un rateau. Déjà, un rateau, ce n'est pas la chose la plus agréable du monde, mais là, j'ai bien compris que j'étais capable d'ajouter à ma souffrance par mon enseignement !
"Alors reprenons ensemble le texte que je vous ai distribué, extrait de L'Education sentimentale : il s'agit de la dernière rencontre entre Frédéric Moreau et madame Arnoux..."
... c'est-à-dire du plus beau rateau de toute la littérature française... Bien joué ! Elle vient enfin s'offrir à lui ; il voit ses cheveux blancs et la rejette. Lui-même a raté plus ou moins sa vie. Certes, dans ce roman, "leurs yeux se rencontrèrent" , mais là, ses yeux se détournèrent, surtout. Bon choix de texte : tu vas déprimer pendant toute l'heure !
... ce qui fut fait.
Coup de chance, ensuite, j'enchaînai sur un cours en petit groupe ("aide individualisée", qu'ils appellent ça), où j'allais pouvoir reprendre du poil de la bête avec les quelques élèves (filles, pour le coup) sympathiques qui restaient avec moi. J'avais choisi d'approfondir l'étude du réalisme littéraire à l'aide d'une chanson guillerette et primesautière de...
... Barbara...
... Hagarde, elle sortit de la salle des ventes,
Froissant quelques billets dedans ses mains tremblantes,
Quelques billets froissés du bout de ses doigts nus,
Quelques billets froissés pour un passé perdu.
Hagarde, elle sortit de la salle des ventes.
Je la vis s'éloigner, courbée et déchirante.
De son amour d'antan, rien ne lui restait plus,
Pas même ce souvenir, aujourd'hui disparu.
(la chanson, c'est "Drouot". Elle mérite d'être écoutée.)
Je ne pleure jamais, mais là, je n'en étais pas loin...
"C'est triste, m'sieur !"
Ah oui Armande, c'est triste. Tiens, pour la peine, et pour se finir proprement, je vous passe "Amoureuse" de la même, comme ça ensuite on rentrera chez nous et on ira tous directement se coucher, bien déprimés !
Et puis, soudain, le gris du ciel redevient gris
Et puis soudain le poids des jours redevient lourd.
Tout est fini, tout est fini, l'amour se meurt :
Il est parti, il est parti et toi, tu pleures
Et c'est fini, oui, c'est fini.
Malheureuse [3x] .
Malheureuse [3x] , tellement malheureuse.
Heureusement, à la fin, elles m'ont demandé "L'Aigle noir" : ça nous a remonté le moral de parler d'inceste !
Par bonheur, parfois, l'amour, c'est gai ! Je n'aime rien tant qu'un sixième en train d'essayer de comprendre ce que peut bien être ce septième péché capital, la "luxure"...
"C'est quand on vit dans une très belle maison, m'sieur ?"
... si ce n'est un cinquième en plein amour courtois...
"Qu'est-ce vous voulez dire par "les amants étaient supposés consommer", m'sieur ?"
... quoiqu'un quatrième confronté à la symbolique du vampire...
"C'est attirant mais potentiellement dangereux, ça se passe généralement la nuit, et on en ressort le matin vidé de son énergie ? Non, m'sieur, j'vois pas ce que ça peut être..." (classe de 4e Platon)
"C'est le SEXE, m'sieur !!!!!" (classe de 4e Sade)
Quant aux 3e, l'étude de l'autobiographique est toujours une période riche en confidences de la part des demoiselles, qui ne peuvent s'empêcher de me parler de leur première fois dans leurs "Je me souviens..." Remarquez, elle le font avec beaucoup de pudeur, et le résultat est touchant (sauf celle qui s'est souvenue s'être pris une cuite et avoir ensuite dansé nue sur le frigo... là, j'ai eu + de mal ^^).
En tous les cas, l'amour fait toujours tourner le monde, la tête des élèves comme celle de leurs enseignants, et c'est très bien comme ça ! Cela nous fait au moins un sujet de conversation sur lequel nous sommes capables de nous comprendre.