Vous avez peut-être croisé la publicité ci-dessus sur le net ou dans votre journal favori, à moins que vous n'ayez rencontré l'autre version :
Et c'est à ce moment que votre cerveau a buggé :
« Mais, m'sieur… il supprimaient pas plutôt des postes, dans l'Éduc'Nat' ? »
Et si, Sganarelle. Et ils en suppriment toujours, d'ailleurs. Mais se payer une petite campagne publicitaire de plus d'1 million d'euros pour laisser croire aux gens que tout va bien, qu'on recrute davantage de profs et que les syndicats sont des gros menteurs, c'était tentant, je l'avoue.
Reprenons donc depuis le début : les 17 000 personnes recrutées correspondent tout bêtement aux postes ouverts aux concours. Comme chaque année (et même un peu moins que chaque année). Ce que ces jolies affiches ne signalent pas, ce sont les 33 000 départs à la retraite qui ont lieu en simultané. Et là, tout élève non nourri aux maths modernes devrait facilement en conclure que dans cette vaste opération de propagande recrutement, on a perdu 16 000 personnes en route. Volatilisées !
La conclusion est sans équivoque : on dépense une somme considérable dans l'unique but de mentir au peuple, en lui faisant croire qu'on embauche, alors que dans les faits, on débauche, et on débauche sévère, même ! Nul doute que la deuxième phase de recrutement battra son plein en septembre : celle qui vise à transformer n'importe qui doté d'un diplôme vaguement en rapport en professeur qu'on met devant vos enfants, et allez, débrouille-toi, ami vacataire !
Mais cette poudre aux yeux a peut-être bien un autre objectif : celui d'essayer de colmater la brèche — que dis-je, la brèche… la faille de San Andreas, oui ! — dans les inscriptions aux concours. 1,3 candidat par poste au CAPES de mathématiques cette année, ça fait quand même assez peu de recalés au final. Le métier n'attire clairement plus : études plus longues, salaires moins bons qu'il y a 20 ans en termes de pouvoir d'achat, conditions de travail plus difficiles et temps de travail accru… Tu m'étonnes que les gens au niveau BAC+5 cherchent autre chose à faire pour leurs 40 42 prochaines années ! Alors bon, si on peut montrer que Laura et Julien — jeunes, beaux et motivés — sont heureux dans un métier dont on a visuellement chassé les élèves (oui, en fait, professeur, c'est faire cours, le cœur de métier, n'en déplaise à la campagne de com' qui laisserait croire qu'il suffit de bouquiner ou de faire un démineur), on créera peut-être quelques vocations, qui sait ?
Au passage, on remarquera que les filles — forcément rêveuses — deviennent profs de français (sur fond rose) et les mecs — évidemment ambitieux — profs de science (sur fond bleu), hein ! Les représentations sexuées ont encore de beaux jours devant elles, à l'Éduc'Nat'.
Alors quitte à en rire un peu, je vous propose les détournements très bien vus du FLEN (Front de Libération de l'Éducation Nationale), dont vous pouvez retrouver la page facebook ici. Ils dévoilent d'autres facettes du métier malencontreusement passées sous silence par la campagne officielle !