Suite à mon article sur la méthode d'aprentissage de la lecture écrite par Colette Ouzilou (40 ans de pratique en tant qu'orthophoniste, et auteur de Dyslexie, une vraie fausse épidémie), nous — c'est-à-dire moi et l'administrateur du forum Néoprofs — avons proposé à cette dernière un petit entretien sur l'apprentissage de la lecture. Colette Ouzilou a très gentiment accepté de répondre à nos questions. Je vous invite à la lire avec attention, car elle décrit je crois très bien, et avec des mots très simples, l'état de la lecture et de son enseignement dans l'école actuelle.
Entretien avec Colette Ouzilou
1) Considérez-vous, selon un argument qu'on entend souvent, qu'il n'y a aujourd'hui plus personne qui défende "la méthode globale" au sens strict, et qu'on n'utilise actuellement à l'école française que des "méthodes mixtes" ? Le cas échéant, quel est votre avis sur ces "méthodes mixtes" d'apprentissage de la lecture ?
Globale : la vraie n'a jamais été utilisée par l'école. Elle demande une formation de pro. C'est elle qui a été utilisée par un certain Decroly, médecin, auprès des enfants sourds profonds. Elle sert en cas de handicap réel. S'en servir, c'est donc traiter l'enfant comme un handicapé.
La mixte, je la décris en détail dans le chapitre « L'alphabet en péril » (p.61 de Dyslexie, une vraie fausse épidémie). Elle impose deux façons d'apprendre à lire : la première mise en place donne à photographier le mot à l'œil, et doit le mémoriser comme une image ; la seconde doit le décoder. L'enfant débutant, tiraillé entre ces deux démarches contradictoires, se contentera le plus souvent de la première (travail de l'hémisphère droit du cerveau), et reste soumis à la qualité de sa mémoire, de ses facultés perceptives et motrices, de son langage. La seconde voie, le décodage (exécutée par le cerveau gauche), exige un apprentissage réel et un entraînement précis afin d'accéder au réflexe-décodage créé par des circuits neuronaux, qui seuls donnent une lecture instantanée.
2) Si, en tant que parent, je m'aperçois que mon enfant, au cours de son année de CP, ne progresse que très peu en lecture, que puis-je faire concrètement ?
Les parents ne comprennent en général rien aux multiples stratégies de la première voie ; ils en sont d'ailleurs le plus souvent exclus. Par contre le décodage les rassure, s'il est clairement explicité. Ils peuvent tous l'utiliser, quitte, pour certains étrangers de milieu modeste, à le découvrir en même temps que l'enfant. J'ai constaté, dans mon travail clinique, qu'ils en sont ravis et le font souvent très bien.
3) Selon vous, les programmes de 2008 au primaire ont-ils été une bonne avancée par rapport aux programmes de 2002 ?
Les programmes de 2008, devant le rush de l’illettrisme et de l'échec scolaire, sans compter la dysorthographie massive des jeunes (et la violence à l'école), tentent d'introduire un pseudo-décodage en donnant des listes de syllabes à apprendre par cœur…, découvrant la lettre/son dans des mots mémorisés. Mais ils escamotent ainsi le point de départ fondamental de la lecture qui est la synthèse d'un son avec un autre son, et des lois de la combinatoire introduites progressivement. Ce qui seul permet de lire spontanément et de découvrir des mots inconnus.
4) Pensez-vous que le débat actuel sur les méthodes de lecture prenne trop peu en compte les recherches universitaires sur l'apprentissage de la lecture (neurologie, psychologie, sciences de l'éducation...) ? Mettriez-vous ces domaines de recherche au même niveau ?
Recherches : Les seules vraiment valables sont celles qui s'appuient sur des apports neurologiques précis (travaux décrits dans « Le cerveau lecteur » — p.152 de mon livre version 2010), conclusions de travaux sans a priori pédagogiques, s'appuyant sur des IRM correctement interprétés. La psychologie cherche le « défaut de la cuirasse » chez l'enfant, alors que c'est l'École actuelle qui est… mettons déficiente. Par contre l'enfant qu'elle fait échouer se déprime très vite, surtout s'il est intelligent. La Recherche pédagogique ? Elle maîtrise l'École.
5) D'après vous, les méthodes d'enseignement de la lecture devraient-elles faire l'objet d'un débat au sein du Parlement ? Ou bien, à l'inverse, ce thème doit-il rester de l'unique responsabilité du ministère de l'Éducation nationale ?
Il est clair que le constructivisme, sur lequel s'appuient ceux que j'appelle les novateurs de cette pseudo-pédagogie, est un mouvement politique (extrême, droite comme gauche probablement, et mondial), qui vise un traitement très sélectif du « peuple » et une élite réduite. À son origine ? L'argent probablement (cherchez sur google « constructivisme pédagogie »). L'Éducation nationale n'a guère son mot à dire. Elle a tendance à filer doux… À l'Assemblée nationale donc de s'exprimer. Encore faut-il qu'elle ose .