Le taulier profitant enfin de vacances bien méritées d'une pause avant une nouvelle audience encore, il en profite pour vous tenir au courant de la vraie saga de l'été (celle à côté de laquelle Inquisitio ressemble à une dicussion dans le fumoir d'un club anglais) : la concertation sur la refondation de l'école. Des cris, des excommunications, des procès en sorcellerie, des expérimentations en torture sur élève innocent, des constantes macabres, des directeurs de CIO... Tous les ingrédients sont réunis pour vous faire frissonner jusqu'à fin septembre.
Alors en vrai ça se passe bien et calmement, sous la férule de Mme Belzébuth, franchement compétente dans ce rôle, avouons-le. De temps en temps, on frissonne quand même un peu quand le SE-UNSA veut rendre obligatoire le travail en équipe des professeurs (et là, on se croirait vraiment dans Inquisitio) ou quand n'importe quel membre de l'association nationale des directeurs de CIO1 ouvre la bouche (et là, on est davantage chez Sainte-Anne que chez saint Ignace de Loyola), mais même la constante macabre d'André Antibi2 ne parvient pas à susciter l'effroi.
Jusqu'à présent, nous avons pu évoquer dans mon groupe le socle commun et le lycée de la réussite. Conclusion rapide : le socle n'est pas commun, et la réussite attendra. Si je développe un peu, nous avons entendu énormément d'interventions contetant les mots « expérimentation », « projet », « interdisciplinaire », « modularité », « compétences » et autres billevesées. On ne sait toujours pas exactement ce qu'est le socle commun, mais ça n'empêche pas d'affirmer qu'il doit être pour tous3 et de discuter de son évaluation. Certaines associations innovantes n'hésitent à vouloir mettre tout et n'importe quoi dans le socle (plus c'est gros plus ça passe, doivent-elles se dire), et on utilise davantage notre temps à disserter sur le sexe des anges sur la terminologie (cékoi une kompétence ? « socle » ou « tremplin » ? « programmes » ou « curricula5 » ? « rudimentaire » ou « élémentaire » (mon cher Watson) ?) qu'à parler des contenus et des méthodes (sauf pour dire qu'il faut expérimenter de l'interdisciplinaire, vous l'aurez compris).
Quant au lycée, on nous a bien fait comprendre qu'on ne changerait pas grand chose et qu'il ne fallait surtout pas parler du Bac. Alors on s'occupe comme on peut autour du nouveau graal du pilotage et de la gouvernance réunis : le « bac-3/bac+3 », qui doit révolutionner notre système (ou peu s'en faut), si possible avec des ordinateurs et des projets. Cela a donné 2 réunions sur 3 brouillonnes, floues et franchement peu constructives.
Mais le taulier ne désespère pas complètement : il établit des contacts, ose quelques prises de parole inattendues et lance deux trois gros mots tels que « élite » ou « disciplines » afin d'éviter aux gens la sieste post-déjeuner. Je vais tenter « estrade » et « tables de multiplication » la prochaine fois, tiens : le mot-à-caser-en-réunion, une alternative intéressante au jeu du bingo bla-bla pour éviter l'assoupissement.
Alors, est-ce que tout cela sert vraiment à quelque chose. Il est trop tôt pour le dire ; on ne se fait pas d'illusions ; mais il est possible qu'à la marge, quelques idées soient picorées par-ci par-là. Alors faisons en sorte que ce soient des idées pas trop délirantes.
1. Leur site. Attention, site web 2.0 0.2.
2. Le site de son association (site web 0.2 lui aussi : attention aux yeux !). Aussi surprenant que cela puisse paraître, les interventions du monsieur, quand elles sont déconnectées de sa marotte, sont souvent pertinentes, et nous nous sommes même découvert plusieurs points d'accord. Comme quoi, à défaut de châtier l'hérétique, cette concertation fait des miracles.
3. À certains moments néanmoins, des interventions au sujet des SEGPA4 ou de l'enseignement agricole ont jeté le trouble dans cette belle unanimité, rappelant que si on construisait un socle pour tous, il devait également s'appliquer à eux. Et là, soudainement, on met beaucoup moins de choses à l'intérieur.
4. Section d'Enseignement Général et Professionnel Adapté (pour les enfants présentant des difficultés d'apprentissages graves et durables).
5. Un curriculum, des curricula. C'est le mot du moment, sans lequel il n'est pas de réunion sérieuse à l'Éduc'Nat'. Quant à savoir ce que ça recouvre exactement, la réflexion n'a pas encore abouti, mais on ne désespère pas de comprendre le concept d'ici la fin de la concertation.