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25 juin 2010 5 25 /06 /juin /2010 07:59

      ordi

 

 

  Aujourd'hui, je vous propose un petit tour dans la machine à remonter le temps dont le blog Je Suis en Retard garde jalousement les secrets de fabrication1. C'était il y a deux ans, et un premier morceau de socle roulait jusqu'en salle des professeurs : Le B2i3. Il devait révolutionner nos pratiques, faire entrer nos élèves dans le monde des cyber-citoyens techno-compétents. Retour sur une fascinante imposture.

 


  Au début, ce furent surtout des réunions. Beaucoup de réunions. On a même failli réussir l'exploit de fixer une nouvelle réunion pour se répartir les compétences du B2i… alors qu'on était tous là comme des fruits du chêne, en réunion plénière, pensant bêtement qu'on allait faire avancer le schmilblick. Bref, après nous êtes beaucoup réunis et avoir décidé de qui ferait quoi, nous nous sommes… réunis pour décider de quand et comment on le ferait. Avec mon équipe de lettres, on a même fait de belles séances-types pour les divers niveaux, amoureusement sauvegardées sur le réseau du collège, oui, celui qui dépendait du serveur qui a pété4. Apparemment, on va pouvoir les récupérer, ouf !

 

  Puis il nous fallut valider. Pour cela, nous avons reçu le top du top en matière d'évolution de carrière et d'amélioration de nos compétences professionnelles : une formation du PAF de deux jours et demi ! Tremble, outil informatique : bientôt, tu n'auras plus aucun secret pour moi !

 

  … Ou peut-être bien que si, quand même. Laissez-moi vous expliquer comment cela fonctionne :


1° On "négocie" la formation avec les formateurs. De même qu'aujourd'hui l'élève doit construire ses propres savoir avec de la boue séchée, le prof en formation doit construire sa propre formation avec ses copains profs, sous le regard ému de formateurs qui n'ont rien préparé (ou alors ils le cachent bien). Problème : entre moi, issu de la génération console et PC, nourri a Warcraft 2 et à Duke Nukem 3D, internetivore compulsif, et ma charmante collègue qui nous parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître et qui, avec les zordis, voudrait bien mais ne peut point, car elle n'en a pas l'habitude (aucune moquerie de ma part à ce sujet, bien au contraire : savoir utiliser un ordinateur n'a jamais été une preuve que l'on savait enseigner telle ou telle discipline, hormis probablement l'informatique ou la technologie), nous n'avons peut-être pas besoin de la même formation. Qu'à cela ne tienne : chacun exprime ses besoins propres afin que nous puissions suivre une formation pour tous.

 

2° Résultat des courses : personne n'est content. On n'a presque pas parlé du B2i (mais si ! Souvenez-vous ! On était censé suivre une formation pour valider le B2i !) ; ma collègue se dépatouille légèrement mieux sur son clavier suite à un surprenant exercice consistant à insérer de jolies images de poissons colorés dans un document word tandis que je fais un comparatif pour voir si c'est plus seyant sous open office, les poissons exotiques. Mais qu'on se le dise : en deux jours et demi, on ne transforme pas des gens qui, pour certains, utilisent un ordinateur comme un outil étrange et récalcitrant afin de préparer comme ils peuvent un sujet de contrôle, en professeurs d'informatique.


  Et quelque part ça tombe bien, car professeur d'informatique, ce n'est pas mon métier, ni celui de mes collègues. Alors je veux bien faire des efforts, mais faut quand même pas pousser. Par exemple, afin de faire comme on a dit, j'emmène gentiment mes élèves en salle informatique dans l'idée de mettre en œuvre ma très belle séance-type. Bon, 26 élèves pour 15 PC dont un ou deux en panne : à deux par PC, ça devrait tenir5 ! Allez, le joueur 1 ouvre une session, puis la ferme, puis le joueur 2 ouvre à son tour sa session, comme ça je valide bien le fait que tout le monde sait ouvrir sa session !


« Monsieur ! J'ai perdu mon mot de passe ! »

Grumble ! Heureusement que j'ai tout prévu, Clitandre ! Tous les mots de passe sont dans le tiroir magique du bureau secret (ou l'inverse) ! Le vôtre, c'est “Gpa2cervo”. 



  Et c'est là qu'a lieu cette scène mythologique :


M'SIEUR CELEBORN, qui a déjà fait la séance les doigts dans le nez avec la classe d'avant : Alors vous allez récupérer le fichier "séance_B2i_toute_jolie" dans le dossier idoine, et vous l'enregistrez sur votre espace de travail.


CLITANDRE, il a fumé le prof ! : M'sieur ! Ça marche pas ! 


M'SIEUR CELEBORN, quel nul, ce Clitandre… : Mais si regarde, tu vas là, tu fais ça, gniagniagnia, fichier/enregistrer sous…, et là, paf !… tiens, ça marche pas. 


CLITANDRE, quel nul, ce prof… : Ben non, m'sieur, je vous l'avais bien dit.


ARSINOÉ, élève modèle : Monsieur ! Sur mon ordinateur non plus, on ne peut pas enregistrer…


M'SIEUR CELEBORN, vaguement dépassé, mais tentant de rester digne : Techno-Man, au secouuuuuuuuuuuurs !!!!!


TECHNO-MAN, apparaissant soudain dans un nuage de pixels : On m'appelle ?


M'SIEUR CELEBORN, soulagé : Oui ! Techno-Man, ça marche pâââââââââs !!!!!!!


TECHNO-MAN, accomplissant diverses opérations ésotériques avec le clavier : Alors si je vais là, que je fais ça… Ah ben non ! T'as raison ! Ça marche pas. 



  Bon, on a bidouillé pour finir la séance, mais c'était pas glorieux (surtout qu'on pouvait pas imprimer, alors pour valider la compétence « paramétrer l'impression », ça faisait classe !). Et tout ça pour m'entendre dire l'année suivante par Principale Adjointe que non, vraiment, c'était mal de les mettre par deux sur le même ordinateur, parce que confidentialité des données oblige, et donc que Clitandre n'avait pas le droit de travailler sur la session de Philaminte, et donc qu'il fallait faire de la pédagogie différenciée avec une partie de la classe sur les ordis et une autre effectuant un travail en autonomie, et donc que comme ça, ça prendrait deux fois plus de temps.


  Depuis, j'évite de retourner en salle informatique, vous l'aurez compris : le peu de bonne volonté que j'avais n'a pas résisté à cette conjonction d'une malédiction technologique sournoise et d'une réprobation citoyenne et néanmoins administrative.  


  Et tout ça pour quel résultat ? Peanuts, évidemment. On organise une mascarade, validant vaille que vaille les compétences donnant droit au précieux sésame — le B2i — dont personne n'a rien à faire, pas même notre administration, qui délivre des diplômes du Brevet des collèges à tour de bras aux élèves n'ayant pas obtenu la chose6. En même temps, on la comprend : gestion locale oblige, d'un établissement à l'autre, on valide de 40 à 100% des élèves ; c'est dire si l'égalité républicaine se porte bien !


  Maintenant, il ne me reste plus qu'à vous dire que le B2i n'est qu'une des sept compétences du socle commun. Je sens que l'on va s'amuser comme des fous pour valider les six autres. D'ailleurs, je vous laisse : je dois préparer la réunion qui se tient lundi sur le sujet. Si jamais vous ne me voyez pas mettre à jour ce blog dans les prochaines semaines, c'est que j'aurai succombé à la réunionite, ce mal qui répand la terreur dans l'Éduc'Nat'. Ni fleurs ni couronnes. 

 

 


 

1. Elle est planquée dans une salle secrète avec le serveur2 du collège, sous la garde vigilante de Techno-man. 


2. Le serveur du collège n'est pas un charmant jeune homme apportant des diabolos grenadine aux gentils professeurs quand ceux-ci ont trop crié sur la 6e4 : c'est un gros amas de fils et de composants électroniques qui nous permet d'utiliser un puissant réseau interne quand il n'est pas en panne. Bon, là, il est en panne, mais sinon, c'est super utile ! 


3. Brevet Informatique et Internet. Il constitue également la compétence 4 du S3C (Socle Commun de Connaissances et de Compétences). Nous le validons sur GIBII (Gestion Informatisée du Brevet Informatique et Internet), qui va devenir OBII (Outiller le Brevet Informatique et Internet). Vous aussi, adhérez au C.D.L.A.C.L.U.A.E.I.D.S.D. (Comité De Lutte Acharnée Contre L'Utilisation Abusive Et Inutile De Sigles Débiles). 

 

4. Voir note de bas de page n°2.


5. Naïf que j'étais ! Il y avait évidemment plus de PC en panne que prévu ! « Qui veut faire un groupe de 3 ? »


6. … qui est censée être nécessaire pour l'obtenir. On a failli y croire, mais en fait non.

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13 juin 2010 7 13 /06 /juin /2010 18:04

lego ascending

Elèves construisant brique à brique leur socle commun (allégorie)


 

  Allez ! Fini les pop-corns : vous allez avoir besoin de vos mimines pour valider ! Mais afin de vous simplifier la tâche complexe, le blog Je suis en retard vous en1 propose une d'une rentabilité à toute épreuve ! Vous aussi, évaluez et validez à tour de bras en partant de situations du quotidien scolaire !


 

Tâche complexe : POSE TON GUN ! 

 

  Mme Histégéducationcivique (de son prénom "Trivalente") a organisé avec tout un tas de collègues une sortie scolaire dans un but indéniablement pédagogique. Billy ze Bid, élève chafouin, y participe. Lors du pique-nique sur la plage, il décide d'aller faire trempette…

 

ITEM « Savoir nager » (compétence 7) VALIDÉ !   

 

  … puis, lors d'un moment de liberté, il va acheter un pistolet à billes…

 

ITEM « Savoir utiliser quelques notions économiques et budgétaires de base » (compétence 6) VALIDÉ ! 

 

  … afin d'épater ses camarades dans le bus du retour.

 

ITEM « S'engager dans un projet individuel » (compétence 7) VALIDÉ !

 

  Au retour justement, il monte dans le bus en gravissant les quelques marches…

 

ITEM « Mobiliser à bon escient ses capacités motrices dans le cadre d'une pratique adaptée à son potentiel » (compétence 7) VALIDÉ !

 

  … et s'installe au fond du bus. Il passe les billes à son voisin de siège, Jess James Jr, parce que c'est + sympa de faire des conneries à deux.

 

ITEM « S'intégrer et coopérer dans un projet collectif » (compétence 7)2 VALIDÉ ! 

 

  Il en profite pour lire la notice de son nouveau moyen d'expression afin de savoir comment s'en servir.

 

ITEM « Adapter son mode de lecture à la nature du texte proposé et à l'objectif poursuivi » (compétence 1) VALIDÉ !

 

  Il comprend donc comment l'engin fonctionne et fait feu…

 

ITEM « Manifester sa compréhension de textes variés, par des moyens divers » (compétence n°1) VALIDÉ ! 

 

  … afin de vérifier si la balle peut trouer le pare-brise.

 

ITEM « Raisonner, argumenter, pratiquer une démarche expérimentale ou technologique, démontrer » (compétence n°3) VALIDÉ !

ITEM « Manifester curiosité, créativité, motivation à travers des activités conduites ou reconnues par l'établissement » (compétence 7) VALIDÉ !3

 

  Mais la balle ricoche et vient frapper l'œil du chauffeur. Voyant cela, Billy ze Bid envoie un SMS à son pote Buffalo Débile, qui est puni à l'avant du bus : « Tain ! Cé pasé koi ?»

 

ITEM « Écrire, envoyer, diffuser, publier » (compétence 4) VALIDÉ !

 

  Réponse immédiate : « Sa va bardé ! Le chofeur a pri 1 bille dan la chetron ! Téma la tof ! » (pièce jointe : photo du chauffeur).

 

ITEM « Recevoir un commentaire, un message y compris avec pièces jointes » (compétence 4) VALIDÉ !

 

  Mme Histégéducationcivique se rend alors au fond du car pour trouver le coupable, accompagnée du chauffeur (qui a arrêté le car), un mastard de 100 kg. Celui-ci promet de fouiller tous les gosses jusqu'à ce qu'il trouve le coupable. Billy ze Bid pèse 54 kg tout mouillé et avec sa doudoune4. Il se rend compte qu'il ne fait pas le poids.

 

ITEM « Savoir s'autoévaluer et être capable de décrire ses intérêts, ses compétences et ses acquis » (compétence 7) VALIDÉ !

ITEM « Identifier ses points forts et ses points faibles dans des situations variées » (compétence 7) VALIDÉ !

 

  Il décide donc d'avouer son forfait…

 

ITEM « Assumer des rôles, prendre des initiatives et des décisions » (compétence 7) VALIDÉ !

ITEM « Respecter des comportements favorables à sa santé et sa sécurité » (compétence 6) VALIDÉ !


 … comme ça, avec un peu de chance, le chauffeur ne portera pas plainte.

 

ITEM « Respecter quelques notions juridiques de base » (compétence 6) VALIDÉ !

 

  S'adressant donc à sa prof et au sosie de Mister T, il leur tient à peu près ce langage : « J'voulais pas le toucher, m'dame ! C'était juste pour voir si la balle elle passerait à travers la vitre, mais en fait trop pas. »


ITEM « Restituer un propos, rendre compte d'un travail à un public donné » (compétence 1) VALIDÉ !

ITEM « Développer un propos en public sur un sujet déterminé  » (compétence 1) VALIDÉ !

ITEM « Participer à un débat, à un échange verbal » (compétence 1) VALIDÉ !

ITEM « Adapter sa prise de parole à la situation de communication » (compétence 1) VALIDÉ !5

ITEM « Présenter la démarche suivie, les résultats obtenus, communiquer à l'aide d'une langue adaptée » (compétence 3) VALIDÉ !6


  Après discussion, Billy présente des excuses au chauffeur  qu'il faut respecter car c'est le chauffeur et qu'il conduit le bus, ce qui permet à l'ensemble des élèves d'arriver à bon port plutôt que dans le fossé.


ITEM « Comprendre l'importance du respect mutuel et accepter toutes les différences» (compétence 6) VALIDÉ !

ITEM « Respecter les règles de la vie collective » (compétence 6) VALIDÉ !



  Et voilà donc une sortie productive pour le petit Billy, qui a validé presque toute la compétence 7, une moitié de la compétence 6, un bon tiers de la compétence 1 et même quelques items des compétences 3 et 4. C'est Mme Histégéducationcivique qui va être contente en passant sa soirée à remplir les items du livret de Billy à l'aide d'un merveilleux logiciel informatique ! 

  Mais au fait… il est biodégradable, ce pistolet en plastique ?


ITEM « Mobiliser ses connaissances pour comprendre des questions liées à l'environnement et au développement durable » (compétence 5) VALIDÉ !

 

 


1. De tâche complexe. Je sais, la syntaxe de ma phrase est obscure. Au fait, toute ressemblance avec un vrai incident lors d'une vraie sortie scolaire est vraiment, mais alors là totalement fortuite. Vous voyez le mal partout !

      

2. Vous aussi, vous aviez remarqué que la compétence n°7 était vraiment débile, avouez.


3. Deux compétences d'un coup ! Ça, c'est de la tâche efficace ! 


4. Il ferait mieux de l'enlever, d'ailleurs, si elle est toute mouillée. il va attraper froid ! 


5. Il a appelé son professeur « m'dame », ce qui montre bien qu'il adapte sa prise de parole à la situation de communication. Si si !


6. N'en jetez plus !

 

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5 juin 2010 6 05 /06 /juin /2010 11:58

escher-waterfall-medium

Cheminement de la pensée d'un élève accomplissant une tâche complexe (allégorie)

 

 

  Votre saga du troisième trimestre reprend ! Après un petit temps d'arrêt, revoici le mode d'emploi du S3C décortiqué et analysé afin que vous puissiez en toute sécurité appliquer cette jolie réforme. Et aujourd'hui, c'est la tâche complexe qui va nous occuper… Sucré ou salé, votre pop-corn ?

 

FICHE N°4 : Les complexes, ça fait tâche ! 

 

       Nos dear colleagues avaient pris de l'avance, mais voilà que nous les rattrapons en nous mettant à notre tour à la dernière pédagogogie à la mode : celle de la (grosse) tâche. Et même de la tâche complexe, tant qu'à faire. Mais keskecékoidonk ?


« Maitriser une situation complexe ne se réduit pas à la découper en une somme de tâches simples effectuées les unes après les autres sans lien apparent. Les tâches complexes permettent de motiver les élèves et de les former à gérer des situations concrètes de la vie réelle en mobilisant les connaissances, les capacités et les attitudes acquises pour en développer de nouvelles. Dans ce contexte, complexe ne veut pas dire compliqué. »

 

  Nous voyons ici toute la "philosophie" de la chose : l'école n'est là que pour mettre le nez de l'élève dans la vie réelle, puisque seule celle-ci est motivante. Foin de contes de fées (alors que, paradoxalement, l'un des exemples proposés est « Rédiger un conte », situation hautement concrète de la vie hautement réelle), il va falloir apprendre le français en rédigeant sa liste de courses, les maths en faisant ses achats, l'anglais en les faisant en Angleterre, la techno en les faisant par Internet et la géographie en faisant le tri sélectif des emballages vides, développement durable oblige.

 

  Mais me voilà pris en flagrant délit de psychorigidité réactionnaire : je distingue encore des disciplines. Le professeur du futur, lui, les a toutes mixées en un infâme brouet :

 

« Pour le professeur qui doit mettre en œuvre les enseignements, c’est en même temps répondre aux caractéristiques des exigences nationales, européennes et internationales :

• transversalité : les compétences recouvrent plusieurs disciplines, elles s’exercent dans des situations variées ;

• contextualisation / décontextualisation : la compétence doit être maîtrisée et évaluée à travers des situations concrètes, les plus proches possible de celles rencontrées dans la vie réelle ;

• complexité : les tâches, les situations de mise en œuvre des compétences sont par essence complexes, requérant la mobilisation de connaissances, capacités et attitudes variées ;

• intégration : les compétences intègrent diverses facettes (capacités, attitudes, connaissances) issues de diverses disciplines. »

 

  Même le Générateur de Vérités Néo-Pédagogiques Définitives n'aurait pas rêvé d'une pédagogie transversale de la tâche complexe procédant par intégration de connaissances, capacités et attitudes visant à la construction de compétences s'axant autour de la tension bipolaire contextualisation/décontextualisation. Mais le ministère, lui, l'a fait. Et afin que les vaillants petits soldats de l'Éduc'Nat' que nous sommes ne s'y perdent pas, il nous propose non pas un, mais deux exemples de tâche complexe. Ouvrez vos mirettes, déglutissez vite votre pop-corn, c'est parti !


 

« 1 Station d'épuration

La station d’épuration de votre ville dysfonctionne. En temps qu’ingénieur dans un bureau d’études travaillant pour une organisation écologique indépendante, vous devrez – avec les membres de votre équipe ‐ persuader les autorités locales de la nécessité de réparer cette station afin de préserver l’environnement (entre‐ autre la biodiversité) en repérant dans la chaine d’épuration des eaux, le bloc fonctionnel défaillant. Vous rédigerez un texte présentant vos démarches et conclusions. »


  En voilà, une situation bien réelle du quotidien que les élèves rencontreront dans la vie de tous les jours ! Les voilà promus ingénieurs bossant pour une ONG écolo partant en croisade contre la vilaine administration qui pollue ! Peu importe qu'un ingénieur en sache environ 100 fois + qu'un élève de 4e pour lequel la notion de "bloc fonctionnel" doit être aussi parlante qu'elle l'est pour votre serviteur ; peu importe que la situation soit suspendue dans les airs telle une utopie béate dans laquelle l'élève pourfend la méchante société à grands coups d'arguments attendus sur la biodiversité et l'environnement ; peu importe évidemment qu'on ait autre chose à faire en cours de français que de rédiger des bafouilles sur le fonctionnement des stations d'épuration — Corneille ou Maupassant s'étant peu intéressés aux eaux usées (ils sont vraiment pas développement durable, ces écrivains !) ; peu importe enfin que la mise en place de ce délire demande un travail de concertation tout aussi hallucinant que gratuit de la part des différents professeurs afin que les élèves étudient dans le bon ordre ce qu'il faut en cours de techno, de bio et/ou de géo pour pouvoir rédiger leur torchon éco-citoyen (sans compter qu'une fois cette tâche complexe achevée, il faudra bien passer à une autre tâche tout aussi con et tout aussi complexe…)… Le résultat est là, dramatiquement naze.

  On attend avec impatience d'autres exemples de tâches complexes tels que « Vous êtes un grand scientifique et rédigez une communication sur la sauvegarde du thon rouge », « Vous êtes directeur d'une entreprise à but non lucratif s'occupant des énergies renouvelables et proposez une façon de sortir du nucléaire sur dix ans » ou même « Vous êtes prix Nobel de la paix et écrivez un e-mail au président iranien pour lui vanter les mérites du dialogue interculturel ». On va s'amuser…     

 


  Le second exemple est nettement plus terre à terre, et ajoute une dimension nouvelle par rapport au premier : l'humour tout pourri.


« 2 Barbecue

Chaque été, M. Chipo est obligé de racheter plusieurs sacs de charbon de bois pour faire des barbecues. Mais pourquoi doit‐il en racheter ? Que devient tout ce charbon ? Après avoir écrit les hypothèses, proposer une expérience qui va permettre de les confirmer ou non.

Réaliser les expériences proposées après validation du professeur. Répondre par écrit aux questions posées dans le texte. »


Sacré M.Chipo ! Voilà la cuisson des saucisses promue au rang de tâche complexe à visée scientifique ! Le pauvre élève va être lâché au milieu de la barbecue-party et devoir proposer des hypothèses et des expériences tout seul comme le grand scientifique qu'il est déjà (souvenez-vous : au cours précédent, il est devenu ingénieur). En fait, on reconnaît un bon vieux TP pas du tout transversal, dont l'aspect inductif dissimule mal le fait que c'est le prof qui va formaliser l'expérience démontrant que le feu, ça brûle. 


  Chers lecteurs, le blog Je Suis en Retard ne reculant devant rien, il vous proposera la prochaine fois des tâches complexes autrement plus rentables en termes d'évaluations de compétences. Gardez donc un peu de pop-corn encore ! 

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28 mai 2010 5 28 /05 /mai /2010 22:59

escher-mc-relativity

Professeurs se réunissant pour valider une compétence du socle (allégorie)

 

 

  J'espère que le pop-corn — généreusement distribué par la machine fabriquée par les élèves de 4ème 5 lors du projet interdisciplinaire « spectacle cinématographique et mastication » (un projet mené par les profs d'arts pla, de bio, d'EPS et de techno, s'il vous plaît !) — vous satisfait et que vous êtes prêt pour la suite des fiches ! Aujourd'hui, nous allons essayer de savoir comment appliquer les belles théories dans la réalité crasse d'un établissement scolaire non virtuel…

 

FICHE N°3 : votre évaluation est-elle valide ?

 

  Où l'on s'intéresse à la distinction entre évaluer, valider et noter. Et je vous assure qu'à la lecture de la chose, même les plus belles pages de la casuistique chrétienne semblent une recette facile de Françoise Bernard où l'on balance 30 secondes un œuf au micro-ondes avec une cuillère de crème fraîche. Le sexe des anges n'a qu'à bien se tenir (si j'ose m'exprimer ainsi) : la subtilité des distingos opérés n'a ici d'égale que la vacuité du propos. Qu'on en juge un peu :

 

« L’évaluation, conduite dans le cadre habituel des cours, n’est pas incompatible avec le système de notation, et peut y participer »

 

  On notera que l'évaluation1 peut donc participer à la notation. On pensait bêtement l'inverse plus logique (que la notation participât de l'évaluation), mais apparemment, on se trompait.

 

« Elle [l'évaluation] est menée par chaque enseignant de façon individuelle, mais peut aussi être menée conjointement lors d’itinéraires de découverte, de thèmes de convergence... »

 

  On évalue donc individuellement, mais de façon collective quand même : au moins, chacun fait ce qui lui plaît. J'espère au passage que vous goûtez l'expression « thèmes de convergences », qui est quand même très jolie…

 

« à la fin, c’est l’évaluation finale »

 

  Lapalissade ? Vous n'y êtes point… En voilà surtout qui n'ont pas eu le document des inspecteurs d'anglais ! Ils y auraient appris que l'évaluation finale peut très bien ne pas être à la fin. Il va falloir vous harmoniser, les gars !


  Sachez au passage qu'une même compétence devra évidemment être évaluée par plusieurs enseignants, et qu'il faudra faire la synthèse de tout ça pour décider de sa validation finale ou non. Vous sentez qu'il va falloir reculer votre cours de yoga du mardi soir car vous risquez de manquer le début ? En fait, il va surtout vous falloir en suivre davantage, des cours de yoga, afin de rester calme lors des petites sauteries validantes qu'on rêve de nous imposer2 … 


  On apprendra aussi qu' « une tâche complexe, qui n’est pas un empilement de microcompétences, peut conduire à l’évaluation de plusieurs items impliqués dans la tâche, mais pas obligatoirement de tous. »


  Vous n'y comprenez rien ? Rassurez-vous : toute une fiche va être consacrée aux tâches complexes. Voilà de quoi se réjouir. En attendant, on aura quand même réussi à piger — au milieu de cette purée de pois — qu'évaluer, c'est tout bêtement juger du niveau d'un élève. En revanche, valider, c'est une démarche institutionnelle, collégiale et définitive. En gros, une fois qu'on a bien évalué chacun dans son coin à plusieurs, on se fait une bouffe et on valide. Et si le lendemain de la validation, l'élève a tout oublié, peu importe : il est validé. Évidemment, si l'élève n'est in fine pas validé, il pourra l'être quand même par le jury du brevet, qui est souverain, et qui vous dit m...., à vous, profs qui n'avez pas vu que les tanches avachies devant vous disposaient de toutes les belles compétences  marquées dans le livret3


  Et la notation, alors ? On vous la promettait dans le titre, et depuis, pas grand chose à se mettre sous la dent sur le sujet. rassurez-vous, on a gardé le meilleur pour la fin.


 

« L’évaluation cherche à situer l’état des acquis de l’élève par rapport aux objectifs d’apprentissage visés. L’évaluation se traduit par une valeur donnée à la production de l’élève. Pour exprimer cette valeur, différents codes peuvent être utilisés : une appréciation, une lettre, une couleur, une note.

La notation consiste à traduire une production d’élève par une note chiffrée. La note de contrôle, par exemple, résulte de la somme des points attribués à l’élève en fonction du barème fixé pour l’atteinte de chacun des objectifs d’apprentissage évalués. La notation garde sa place pour des évaluations finales et certificatives. Cependant, la valeur moyenne obtenue au final ne traduit pas les compétences acquises »


  Revoyons l'action au ralenti : l'évaluation se traduit par une valeur, qui peut être une notedonnée à la production d'un élève ; ce qui la différencie donc nettement de la notation, qui, elle, se traduit par une note donnée à la production d'un élève. On ne saurait être plus clair et précis. Mais bon, tant qu'on a pu glisser au passage que la notation, c'était quand même pas bien, on est content.


  Désolé, lecteur assidu, lectrice passionnée, mais le blog va être en pause toute la semaine prochaine, pour raisons pédagogiques (si si !). Je promets de me rattraper à mon retour, de finir cette petite synthèse et de vous fournir, en exclusivité, quelques exemples de tâches complexes universelles permettant d'évaluer un maximum de compétences en un minimum de temps sans sortir des sentiers battus d'une journée de cours bien normale. À très vite !

   



1. ...des compétences, bien entendu ! (NDLR)


2. Amis profs principaux de 3ème, il vous est conseillé de prendre un abonnement premium aux cours de yoga. Croyez-moi, vous allez en avoir besoin.


3. Faut-il que vous soyez distraits...

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22 mai 2010 6 22 /05 /mai /2010 16:06

escher-Escalier

Élèves gravissant les marches menant à l'acquisition du socle commun (allégorie)

 


« Encore un article sur le socle commun ? il va falloir investir dans un distributeur automatique de pop-corns, m'sieur ! »

Eh bien Vadius, qu'attendez-vous pour utiliser vos compétences acquises en cours de technologie pour m'en fabriquer un ? En voilà, une jolie tâche complexe à réaliser !

 

  Alleluia ! Nous allons enfin savoir comment appliquer la chose ! Not'bon'ministère a en effet sorti un fort beau document, d'une soixantaine de pages, intitulé Le livret personnel de compétences : repères pour sa mise en œuvre au collège (à télécharger ici). 14 fiches et quelques annexes plus tard, nous voilà fin prêts — du moins en théorie — pour valider items et compétences avec la maestria d'un Mozart composant une fugue pour pipeau. Petit résumé pour vous, avides lecteurs, et aussi pour vous, zélées lectrices.

 

 

INTRODUCTION : la liberté de faire ce qu'on vous dit de faire.

 

  Après quelques rappels de la loi, on nous explique que le S3C1 est le « véritable fil d'Ariane de la scolarité ». Ariane, ma sœur, tu n'avais pas mérité de voir ton fil ainsi embrouillé, déjà que tu mourûtes aux bords où tu fûtes laissée2, et que c'était assez dur à vivre comme ça sans qu'il fût besoin d'en rajouter. Mais puisque nous métaphorons à tout va, sachez que le labyrinthe, nous allons le voir, ce n'est pas tant la scolarité de l'élève que la mise en place dudit S3C. Mise en place qui ménage habilement la liberté pédagogique de chacun et le respect de l'intérêt de tous, comme nous pouvons le constater : 

 

« Il est fondamental, tout en organisant une cohérence d’ensemble du système, de respecter la liberté de pratiques de chacun [c'est moi qui graisse], en expliquant l’utilité et l’intérêt du changement, en développant des pratiques d’aide et de soutien dans tous les cadres d’intervention (formations, animations, inspections).

  Un travail d’analyse, d’élucidation et d’explication est également nécessaire pour convaincre de la nécessité d’une évolution dans les pratiques des enseignants. Il est déterminant de « bien faire comprendre à tous l’intérêt des ruptures proposées tout en montrant dans quelle logique et continuité ces évolutions s’inscrivent »

 

  J'te manque pas de respect, prof : j't'explique ! Nous revoilà dans la rhétorique préférée de l'EN : si vous n'êtes pas d'accord, c'est qu'en fait vous n'êtes pas encore d'accord ! Mais rassurez-vous, chers enseignants : un jour, l'esprit saint vous tombera sur le coin de la figure ; vous comprendrez comment procéder à des ruptures dans la continuité (ou l'inverse) ; et vous aurez alors toute liberté d'appliquer ce qu'on vous dit d'appliquer car vous verrez que cela est bon. Amen. Un p'tit coup d'Évangile selon saint Pédagol pour ficeler tout ça :

 

« On s'attachera à mettre en évidence la complémentarité entre une approche disciplinaire et une approche pédagogique transversale de chaque enseignement afin d'accenteur (sic) la cohérence entre discours et pratiques. »

 

  Et voilà le S3C sur de bons rails (personnellement, la phrase m'évoque plutôt l'idée d'une voie de garage, mais je dois encore être un païen). Bon, c'est pas tout ça les profs, mais on va vous expliquer comment procéder, maintenant !

 

 

FICHES N°1 ET 2 : définition de la compétence par quelques incompétents

 

  Dekoicékonkoz ? De la compétence, pardi ! C'est le moment d'enfin savoir ce que c'est, une compétence. Pour ce faire, plusieurs « chercheurs »3 sont convoqués dans un grand élan francophone (puisque l'on nous propose des définitions belges et canadiennes) afin de faire le point sur la notion. Autant vous dire qu'on ne va pas éclaircir grand chose, mais plutôt se gargariser de fort belles expressions telles que « la capacité d'associer une classe de problèmes précisément identifiée avec un programme de traitement déterminé » (celle-ci est de notre ami Philippe Meirieu, homme compétent s'il en fut jamais), le « savoir-mobiliser » (mais que c'est joli !), l'« ensemble intégré et fonctionnel de savoirs, savoir faire, savoir être et savoir devenir »4 ou même « un savoir agir complexe prenant appui sur la mobilisation et la combinaison efficaces d'une variété de ressources internes et externes à l'intérieur d'une famille de situations » (À vos souhaits !). Heureusement, notre fiche repère est là pour synthétiser ce gloubi-boulga :

 

« Une compétence consiste en la mobilisation d’un ensemble de ressources diversifiées internes (connaissances, capacités, habiletés) et externes (documents, outils, personnes) renvoyant à la complexité de la tâche et au caractère global et transversal de la compétence. Les compétences s’exercent dans des situations contextualisées mais diversifiées qui impliquent un processus d’adaptation (et non de reproduction de mécanismes) et de transfert d’une situation à l’autre. »

 

  Voilà qui est tout de suite nettement plus clair : nous sommes sauvés ! Nous savons désormais que la compétence, véritable Ouroboros5 pédagogique, renvoie au caractère global de la compétence. Fort de cette certitude, nous allons donc pouvoir « provoquer le regard instruit de nos élèves » (ce qui est apparemment l'enjeu majeur de la formation du sachant devenir citoyen). Afin d'y parvenir, nous serons munis de notre attestation subdivisée en compétences (ex-piliers, au nombre de 7) subdivisées en domaines (26) eux-mêmes déclinés en items (une centaine : on n'allait quand même pas se fatiguer à les compter précisément...). Et maintenant, c'est l'heure de cocher les p'tites cases !


  À très vite pour la suite. Vous y découvrirez qu'évaluer et valider, ce n'est pas pareil ; qu'une tâche complexe n'est pas une tâche compliquée ; qu'un élève impliqué en vaut deux, mais que pour qu'il soit impliqué, ça ne va pas être de la tarte ! 

 


 

1. Socle Commun de Connaissances et de Compétences. Apparemment, vous n'êtes pas un lecteur régulier, vous. Une solution : inscrivez-vous à la newsletter, là, dans la colonne de droite !


2. Librement adapté de Racine, qui conjuguait nettement mieux que moi.


3. Oui, mes guillemets sont purement mesquins. 


4. Si vous vous demandez ce que peut bien être un savoir devenir, sachez que je n'en ai aucune idée ! 

 

5. Si vous vous demandez ce que peut bien être un Ouroboros, c'est le moment de savoir-mobiliser votre compétence « rechercher sur Wikipédia ». Je ne vais quand même pas tout savoir-faire à votre place, non mais ! Un peu de savoir-vivre !

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27 février 2010 6 27 /02 /février /2010 13:59

caterpillar-4 

 

Vision d'ensemble de mon univers : Claire Mazeron, Autopsie du Mammouth

  Cécile Revéret nous présentait une expérience individuelle pouvant nourrir des réfexions d'ensemble. La perspective de Claire Mazeron, vice-présidente du SNALC (syndicat auquel l'auteur de ces ligne a adhéré), est différente. Claire Mazeron appartient au sérail. Elle connaît le ministère, la hiérarchie, les rouages, les arcanes. Elle nous propose donc une vision large, souvent polémique, souvent politique. Amateur de témoignages individuels, passez votre chemin : ce livre est un livre où l'on sort de la salle de classe pour musarder dans les couloirs du MEN (c'est le petit nom de mon ministère), farfouiller dans les circulaires, examiner à la loupe le système de mutation, expliquer le syndicalisme (ou plutôt LES syndicalismes, puisque nos syndicats sont nombreux, divers, et présetent parfois des divergences d'opinion ou d'idéologie qui feraient passer le schisme de 1054 pour une manifestation charmante d'un beau et grand syncrétisme religieux). Bref ! attention les yeux : il y aura des lois, des chiffres, des batailles d'idées. On y parlera du niveau, du bac, du pédagogisme, de la FCPE, des réformes, des IUFM, des réformes des IUFM. Rien n'y sera oublié.

  Et c'est une des raisons pour lesquelles je conseille ce livre, et en premier lieu à ceux qui ne sont pas professeurs. Il présente une vue d'ensemble très complète et très claire à la fois. On pourra discuter du ton souvent ironique et grinçant de l'auteur...

«M'sieur ! M'sieur ! Faut pas écrire "auteure"?»
Covielle, pour la semaine prochaine, vous m'apprendrez par cœur la liste des sous-compétences du socle commun !


... mais difficilement remettre en cause la vison globale qu'elle nous propose de ce "tout petit monde". Et les exemples choisis sont bien choisis, et dressent un état des lieux qui n'a pas de quoi réjouir. Petite tranche de Mammouth, à propos des évaluations nationales en CM2 (année 2009) :

« Problème : « une directrice d'école achète 12 dictionnaires, pour un montant total de 186 euros. Combien coûte un seul de ces dictionnaires ? » Dur, dur... Fort heureusement, la consigne de correction destinée au maître précise que la réponse de l'élève sera validée si la division a été correctement posée ou si « une autre démarche recevable a été mise en œuvre». Vous aviez déjà, pour résoudre cet exercice ô combien complexe, divisé le montant total de la facture par le nombre de dictionnaires ? Sombre brute que vous êtes ! Comme il y a peu de chances que les loupiots actuels de CM2 aient appris la division de manière systématique, l'administration, dans sa grande mansuétude, a tout prévu : Kevin est officiellement autorisé à passer dix minutes à retrancher laboreusement, quinze fois et demie 12 du total de 186. À côté du résultat final attendu, il dispose à cet effet d'un large quart de page, histoire de noircir le papier des multiples opérations intermédiaires nécessaires. »

  ... et je ne vous parle pas de la dictée :  certains des lecteurs de ce blog en feraient des cauchemars !

 

  Mais ce qui distingue le livre de Claire Mazeron d'un simple charge contre le délire ambiant, c'est qu'il contient des proositions. Des vraies propositions, simples, claires, listées tranquillement à la fin du livre, sur lesquelles on pourra discuter bien entendu mais dont certaines ressemblent tellement à l'expression de ce bon sens qui devrait être la chose du monde la mieux partagée qu'on se demande bien pourquoi on s'est échiné à faire plus compliqué et moins efficace. J'invite tout le monde à les consulter.

 

 Alors n'hésitez pas : lisez Autopsie du Mammouth. Au moins, vous comprendrez quelque chose aux grèves, à la communication du ministère, au positionnement du responsable syndical qui parle dans le micro sur votre écran de télé. Vous comprendrez pourquoi ça ne marche pas bien, l'éducation nationale, et comment ça pourrait marcher tellement mieux. Vous verrez que non, prof, ce n'est pas juste plein de vacances, un emploi du temps trop bien et la fabuleuse sécurité de l'emploi. Prof, c'est aussi des larmes (par exemple suite aux réjouissantes mutations dans l'académie de Créteil), de la fatigue (à vous les joies d'enseigner la citoyenneté et le développeent durable à des élèves qui, pour beaucoup, ne savent pas placer le Rhône), parfois du sang (pardon ! je voulais dire des "incivilités" !), et donc, au final, de la colère. Un bon coup de gueule éclairé, voilà ce qu'est ce livre. 

Et pour ceux qui cherchent d'autre avis sur le livre, ruez-vous sur le forum néoprofs et sur le blog Bonnet d'âne !

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10 février 2010 3 10 /02 /février /2010 15:09

lua melies 

 

  Aujourd'hui, c'est polémique ! 

  Comme vous l'avez peut-être entendu, on fait tout un foin au sujet d'un dessin animé film d'animation support d'analyse citoyenne sous forme d'image mobile appelé Le Baiser de la lune

Pour ceux qui veulent voir la bande-annonce, c'est
ici.  

  Synopsys rapide : une vieille chatte (je vous jure !) attend son prince charmant. Elle trouve la lune folle (si si, c'est dedans aussi !) d'être tombée amoureuse du soleil. Et pendant ce temps-là, un poisson-chat tombe amoureux d'un poisson-lune (mais puisque je vous le dis, rhôôô !), l'un des deux (Darwin, prends garde à toi !) étant le petit-fils de la vieille chatte. Et apparamment, la lune va enseigner son célèbre "baiser de la lune" au poisson pour qu'il fasse briller son conjoint. Enfin, d'après ce que j'ai compris.

  Not'bon'ministre a interdit d'utiliser la chose en cours (c'est prévu pour des CM1-CM2), d'où polémique primesautière qu'on imagine, avec Christine Boutin dans le rôle qu'on attendait tous d'elle.

  Je suis personnellement tout à fait opposé à la diffusion de la chose, pour de nombreuses raisons. Pourtant, ceux qui me connaissent peuvent difficilement me taxer d'homophobie, mais bon, en ces temps de bien-pensance, on n'est à l'abri de rien. Expliquons-nous donc :

  Nous sommes à mon sens dans la célèbre et classique opposition entre enseignement et éducation, ou, pour faire plus clair, entre savoir et citoyenneté.

  Le Primaire et le collège sont abreuvés de séances, d'activités et d'interventions citoyennes, pour faire prendre conscience  à l'enfant que plein de choses ne sont pas bien et qu'il ne faut pas les faire. Citons en vrac : être raciste, être sexiste, dire des gros mots, ne pas manger le matin, ne pas trier ses déchets, se moquer des handicapés, de petits, des gros, des gens à lunettes, ne pas se brosser les dents, ne pas mettre de capote, fumer, boire, se droguer, se suicider, ne pas respecter la loi... et donc être homophobe (et ensuite, on vous cochera des cases dans le pilier "citoyenneté" du socle commun et vous aurez votre brevet de bon petit citoyen !).

  Je crois que tout cela part d'un bon sentiment. On sera difficilement en désaccord avec les objectifs visés, d'ailleurs. Mais je crains qu'on ne s'y prenne pas de la bonne façon, et que la "séance citoyenne" se transforme en vaste gaspillage de temps pour un effet qui reste à prouver. Car on ne les fait pas EN +, ces séances : on les fait À LA PLACE DE. A la place de nos cours, de notre étude de la langue, des textes, des maths, etc. Cela a l'air ridicule, au départ, mais si l'on met bout à bout toutes les heures que l'on passe à cela, ça l'est moins.

  Mais bon, si l'efficacité en était patente, pourquoi pas ? Moi aussi, je suis pour qu'on lutte contre l'homophobie.  Mais je soutiens que ce n'est pas ainsi que cette lutte est menée efficacement. Je maintiens que le vrai rempart à l'homophobie, au racisme, au sexisme, c'est le fait de développer les connaissances et la faculté de réflexion des élèves. Ce n'est pas en leur assénant des "cours citoyens" sur les heures destinées à leur faire maîtrîser leur langue, développer leur logique et appréhender les grands textes, la sciene et la culture, qu'on va arriver à quelque chose de mieux. A mon avis, on fera moins bien. C'est pourquoi je m'agace de ces "supports" à une réflexion citoyenne, qui prennent de plus en plus la place des oeuvres littéraires, artistiques . Là, on se moque des contes de fées au lieu de les étudier, car on veut à tout prix faire passer un MESSAGE.

  Le mot est lâché : il faut faire passer des MESSAGES !

  Et Dieu sait que l'on a essayé de réduire la littérature à cette seule dimension. Cela s'appelle "l'argumentation", et l'objectif de la chose est de montrer que le vilain écrivain manipule ses lecteurs, ou que le gentil romancier, vraiment, la peine de mort, il est contre. 

« Et l'intérêt littéraire, m'sieur ? »
L'intérêt littéraire, Dorine ? Au fond du couloir à droite, mais on a condamné la porte, désolé.


  Je crois qu'on passe à côté de l'essentiel de la littérature : sa beauté, sa proposition d'une vision du monde, sur laquelle on va réfléchir car elle nous a chamboulés. Alors redisons-le une bonne fois pour toutes : il y a une différence entre d'une part un cours de littérature dans lequel l'étude d'un grand texte possédant une dimension artistique indiscutable peut effectivement remuer les élèves, car la littérature parle du monde, des hommes, de la vie, de la mort, de l'amour, etc. ; et d'autre part un cours de citoyenneté dans lequel on utilise un support sur mesure pour faire passer un message citoyen. Quand j'étudie Le Petit Chaperon rouge, je ne cherche pas à "faire passer un message" particulier, et heureusement qu'on ne peut réduire la littérature à cela. Notre dessin animé, là, a été construit pour participer explicitement de la lutte contre l'homopobie, avec débat citoyen à la clef. Ce sont deux façons d'enseigner différentes. Je ne pratique pas la seconde, et la trouve inefficace et bouffeuse de temps.

  Concluons donc : on ne peut faire passer des messages et faire prendre conscience de choses qu'à des êtres en mesure de réfléchir correctement. Alors qu'on nous laisse apprendre à réfléchir à nos élèves, ce qui est une activité longue, lente, répétitive et même ennuyeuse, mais qui permet ensuite d'apréhender le monde comme un tout que l'on comprend, et non comme un éparpillement de valeurs citoyennes auxquelles on nous a engagés à adhérer de force sans nous demander notre avis.



P.S. : Illustration de l'inefficacité de l'éducation citoyenne par un exemple vécu.

Intervention en classe de 6e sur la violence des mots. Un intervenant a des zolis dessins représentant de façon schématique 2/3 personnages avec un problème.

1ère étape : les élèves doivent deviner le problème
2ème étape : ils doivent choisir une solution + blablabla
3ème étape : certains jouent le problème, avec des talents d'acteur divers...

C'est long, c'est chiant, ça ne sert à rien... dans la classe que j'accompagnais l'année dernière et dont l'un des élèves était souvent moqué du fait de sa bêtise, ça n'a rien résolu du tout et l'intervenant était à l'ouest.

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6 février 2010 6 06 /02 /février /2010 20:09

alchimie

 


  Il en va d'une classe comme d'une recette de cuisine : si la qualité des ingrédients est très importante, il vaut parfois mieux bien marier des smarties et du quatre-quart industriel que des truffes et du foie-gras. C'est ainsi que vous ne comprenez pas comment tous ces élèves en or font, une fois assemblés, un gros tas de boue (pour rester poli) ; alors que ces énergumènes à la tête dure comme du bois font, agrégés, un joli chalet de montagne (oui, ma métaphore est elle aussi un gros tas de boue, je sais !).

  Cette opération mervilleuse (et parfois effrayante) porte un nom : l'esprit de classe. Et ne croyez pas que vous y êtes extérieur, cher collègue : vous aussi êtes intus, et in cute, entre les murs : l'enseignant n'échappe pas à l'esprit de classe : il en est une composante essentielle.

  Il est des classes que l'on adore, d'autres que l'on déteste. D'autres que l'on oublie. Je me souviendrai sans nulle doute longtemps de ma 6e mimi. Pas forcément plus douée qu'une autre (bon, un peu quand même...),  pas moins lotie en "cas" (dyslexiques, autiste même). Mais une ambiance, une gentillesse, un lien qui nous ont fait passer une année géniale. 

  Je n'oublierai pas non plus mes 5e salon-des-précieuses de cette  année. Tout semblait bien parti. Des élèves certes bavards, mais amusants, vifs, subtils même, intéressés et a priori intéressants. Je leur ai dit cette semaine qu'ils formaient la classe la + infecte que j'avais jamais vue. Menteurs, manipulateurs, revendicatifs, fraudeurs, inélégants, impolis : voilà ce que j'en pense aujour'hui.

  Parfois c'est moins net : vous aviez envie de tuer vos 3e voie-pro chaque lundi de 15 à 17, quand vous tentiez pendant deux heures en salle de techno, fers à souder aux murs et néon agonisant au plafond, d'évoquer La Bruyère ou Prévert ? ... Et voià que vous les regrettez. Car oui, en y repensant bien, vous avez passé une année formidable. Vous sentiez qu'ils vous appréciaient, qu'ils cherchaient à créer des connivences, et surtout qu'ils vous faisaient confiance. Ce sont eux que vous encadriez et qui se sont impeccablement tenus au cinéma devant La Vie est belle de Benigni, tandis que les européennes jouaient à la game boy et que la 3e chiante faisait sa 3e chiante. Eux (enfin... elles) qui vous racontaient tout quand vous travailliez sur l'autobiographie, et pas par provoc', non, mais juste parce que c'était leur vie et parce que c'était le sujet. Eux qui vous charriaient sur vos amours (après tout, c'était de bonne guerre : vous les charriiez bien sur les leurs !). C'est dans cette classe qu'une élève avait apporté une quarantaine de crêpes en vue d'une séance "regardons un film car ce soir c'est les vacances". Dans cette classe qu'une autre élève, interrogée sur les raisons pour lesquelles un écrivain pouvait bien avoir envie de raconter sa vie à la con, a répondu "pour esayer de se souvenir de ce qu'il a vécu. Pour ne pas l'oublier". C'était un esprit de classe, turbulent, parfois presque ingérable, mais fondamentalement positif. 

  Car comme il y a une pulsion de vie et une pulsion de mort, comme il est des mayonnaises qui montent et des soufflés qui retombent (et des soufflets qui se perdent, aussi, surtout en 5e salon-des-précieuses), il est des classes qui prennent et des classes qui font des grumeaux (je vais arreter les métaphores, moi, je crois....).

  Comme dit plus haut : l'enseignant n'y est pas pour rien. Vous êtes léger, frivole, amoureux ou plus amoureux ? La classe vous semble plus belle et le devient réellement. Vous êtes malheureux pour de vrai : tout vous énerve, et peut-être énervez-vous tout le monde. Il est des années bénites, ou aucune classe ne vous est insupportable ; et (hélas) des années maudites, où vous rêvez d'un fusil à pompe et d'un stock illimité de cartouches pour chasser le gros gibier.

« M'sieur ! M'sieur ! C'est moi, le gros gibier ? »
Oui, Brindavoine. D'ailleurs, si vous pouviez avoir l'amabilité de ne plus bouger, je vous promets de vous rajouter un point à votre prochain devoir...



  Il y a enfin les classes que vous alpaguez, et celles que vous laissez filer. La 5e salon-des-précieuses me coule-t-elle entre les doigts ? Peu importe : l'année dernière, la 5e bruits-d'animaux a fini par me manger dans la main. Voilà ce qui arrive à force d'imiter les animaux de la ferme !

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16 décembre 2009 3 16 /12 /décembre /2009 17:23

  http://multimedia.fnac.com/multimedia/images_produits/ZoomPE/5/8/2/9782915543285.jpg

  Je commence à avoir une assez jolie collection de livres sur l'enseignement, l'Educ'nat', témoignages de profs, etc. Je ne suis pas forcément un fanatique du genre, mais j'apprécie de lire des gens qui réfléchissent sur notre métier et en témoignent, quand bien même je ne suis pas d'accord avec eux.

  Je vous propose donc une petite revue de mes livres préférés en la matière. Chaque livre analysé sera équipé de son extrait commenté.











Cécile Revéret, La Sagesse du professeur de français (L'Œil Neuf Editions)




Vision d'ensemble de mon métier : Cécile Revéret, La Sagesse du professeur de français


Voilà le genre de livres que j'aime : le témoignage intelligent. Cécile Revéret est une enseignante aujourd'hui à la retraite dont j'ai croisé, sur un forum, une "disciple". Elle aime la grammaire et aime l'enseigner ; elle  sait pourquoi et comment elle l'enseigne ; elle explique pourquoi c'est essentiel de l'enseigner. Elle n'est pas idéologue : juste spécialiste. Elle témoigne également de la dégradation de nos conditions de travail, mais surtout de la "dégradation de nos élèves". Une carrière entière offre effectivement un bon point de vue sur l'évolution de ce qui se passe dans les classes, et cette évolution n'est pas brillante.

  Je prendrai comme exemple cet extrait aussi fascinant que terrifiant :

  « J'ai donné à lire  voix haute un petit texte extrait du Roman de Renart
. C'est Caroline, une adorable peite élève de 6e, qui est interrogée. Elle a du mal. Sa lecture est hachée, laborieuse mais, cahin-caha, très lentement et en se reprenant plusieurs fois, elle arrive au bout des phrases[...].
  — En...enchantées ...de...voir...ve...venir...si belle ... pr...pr...proie ; ils se rassiette, rassassent, assassien, rassièrent...
  Patience ou fascination ? Je laisse a pauvre enfant se débattre dans ses multiples tentatives pour lire
rassasièrent
; ses tâtonnements se perdent dans des borborygmes. Puis elle lève vers moi un regard déchirant et me dit d'une voix navrée :
  — Madame, je ne peux pas lire ce mot : je ne l'ai pas appris...
  Chère Caroline, en une phrase, tu as résumé tout le drame des enfants de ta génération. Ce jour précis, ton regard éperdu me donna envie de me battre pour que cesse cet apprentissage insensé de la lecture : apprendre des mots par cœur. Qu'on l'appelle méthode semi-gobale ou mixte, peu importe, le résultat est là : un désastre. »

  Le parcours de cette enseignante serait touchant s'il n'était aussi inquiétant. Car au milieu des inspecteurs et conseillers qui récitent la dernière réforme en date, faire du Bled devient un acte militant et enseigner la grammaire vous classe dans la catégorie "démodé". Cécile Revéret explique pourtant fort bien les vertus de cet enseignement, logique, fiable, qui permet de développer les facultés de conceptualisation et le raisonnement spéculatif, qui est le révélateur de la compréhension d'un texte simple et l'outil indispensable du décryptage d'un texte complexe. 
 
  Et si, dans son livre, le désenchantement se fait sentir, c'est qu'il se fait sentir chez tous nos collègues proches de la retraite, et qui ont connu des jours meilleurs. Pas la bête rengaine du "c'était mieux avant", fondée sur rien, assénée à tout va ; juste l'expérimentation d'un lent glissement vers un métier aujourd'hui difficile, parfois dangereux, presque toujours éprouvant, à se battre contre des moulins à vent qui, chaque année, brassent davantage d'air (socle commun, histoire des arts, brevet informatique, compétences, inderdisciplinarité, réunions de liaison, projets pédagogique, modularité, accompagnement...) 

  Cette année, un tiers de mes élèves de 6e n'a pu me dire que le mot "tristesse" était un nom. Je me battrai pour qu'à la fin de l'année, ils connaissent les natures et les fonctions de notre langue, qu'ils comprennent les bases de la construction d'une phrase.

  Je ne suis pas sûr de gagner.




 

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22 novembre 2009 7 22 /11 /novembre /2009 10:58


  L'utilisation des TICE doit se concevoir comme un point de convergence didactique au centre du projet de l'élève acteur de son orientation. Et c'est pourquoi l'enseignement médiateur doit s'envisager comme une courroie de transmission socio-pédagogique au centre du projet de mise en autonomie des apprenants.

Non, rassurez-vous, je ne me suis pas converti aux "nouvelles pédagogies"... J'ai juste utilisé le Générateur de Vérités Néo-Pédagogiques Définitives. N'hésitez pas à l'employer vous aussi pour vous faire bien voir auprès de votre inspecteur !
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