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4 juin 2013 2 04 /06 /juin /2013 22:59
Deux critiques de Nos Mœurs inconséquentes

  Je sais que j'ai un peu délaissé ce blog ces derniers temps, et je m'en expliquerai très prochainement (et j'espère bien m'y remettre d'ailleurs). En attendant de savoir si les Quatrième du drame passeront ou non en Troisième de l'effroi, je me permets de poster en ces lieux deux retours que j'ai eus sur ma pièce de théâtre, qui se joue encore actuellement tous les mercredis de juin (d'ailleurs allez la voir : les réservations se passent ici).

 

  La première est une critique de mon ami Pierre Cormary, qui m'a beaucoup touchée car elle vient d'un ami, un vrai : 

 

 

  On le savait depuis longtemps metteur en scène de talent, on le découvre aujourd'hui auteur d'importance. Qui ? Mais Jean-Rémi Girard, de la Compagnie de l’Arme Blanche, bien sûr, qui a déjà monté, et avec quel bonheur, Molière, Ionesco, Ibsen, Giraudoux, Reza, et qui crée aujourd’hui sa première pièce, Nos moeurs inconséquentes, incroyable réadaptation des Liaisons dangereuses de Laclos qu’il faut aller voir, toutes affaires cessantes, à l'Espace Beaujon dans le 8ème ou à l'aire Falguière dans le quinzième. De cette tragédie en forme de chassé-croisé cruel et sexuel, on admirera avant tout la façon musicale, quasi opératique, des ensembles dans lesquels plusieurs conversations (qui sont autant de coucheries symboliques) se déroulent en même temps sans que la clarté des propos n'en soit jamais sacrifiée et encore moins le suspense scénique. On sera très sensible avec quel art du contrepoint l'auteur-metteur en scène fait que situations majeures et mineures s'inversent à la perfection, jouant le thème du double avec un sens consommé du théâtre - et cela jusqu'à un final presque trop brillant, où le coup de théâtre dramatique prend (peut-être) le pas sur l'enjeu moral de l'ensemble. Qu'importe. Les formules font mouche, la vitesse rhétorique est constante (normal pour une pièce qui parle de stratégies sexuelles), les situations toujours captivantes - et les comédiens tous remarquables. De toutes les aventures de l'Arme Blanche, Patrick Cathala est toujours aussi juste et performant en mari ébranlé par son adultère, « et qui aurait pu avoir des valeurs ». Marc-Antoine Cleret (qui ressemble un peu à Tom Novembre) incarne avec puissance son personnage de Mathieu-Merteuil (oui, parce dans cette pièce, Merteuil et Tourvel sont des hommes, et Valmont et Danceny des femmes, inversion dramatique qui prouve à merveille que dans le jeu de l’ignominie hommes et femmes sont à égalité !) Karim El Qasri fait un niaiseux à souhait (avec un potentiel tragique vraiment remarquable). Thomas Shaw campe un romantique blessé saisissant même si son personnage aurait sans doute mérité un peu plus d'amplitude (mais cela est la faute à l’auteur, ha !) Enfin, le spectateur troublé ne pourra que poser un genou à terre devant Agnès Joyaut, institutrice subversive comme on en rêve, magnifique de séduction sournoise, et deux devant celle qui est assurément la star de la soirée, Carla Bouis, Valentine-Valmont aussi vénéneuse que vaniteuse, et qui joue de ses cuisses, de ses sourcils, de sa voix avec une maestria qui en défrisera plus d’un (la scène des gifles !) et risquera de mettre dans la salle certains couples en péril. Alors, que vous soyez théâtreux ou non, en couple ou célibataire, n’hésitez pas une seconde, allez vous faire démolir l'âme, le coeur et les reins par Nos moeurs inconséquentes.

Pierre Cormary

 

 

  La seconde me touche en fait tout autant, car elle vient d'une ennemie, une fausse. Laissez-moi vous expliquer : j'ai eu la surprise de découvrir que la rédactrice en chef des Cahiers pédagogiques était venue à la première de ma pièce. Quiconque connaît le SNALC, mon syndicat, et les Cahiers pédagogiques, la revue, sait qu'on peut comparer leurs rapports à ceux entre le chien et le chat, le jour et la nuit, le soleil et la lune, le romantisme et le réalisme, Voltaire et Rousseau, Batman et le Joker, Copé et Fillon… Bref, je ne m'y attendais pas, et je remercie donc Christine Vallin de s'être déplacée, et de m'avoir envoyé ce texte, qui est un petit miracle du quotidien, "une allumette inopinément fottée dans le noir" entre nous. Merci.

 

 

 

Réconciliations

 

 

Un théâtre où vous entendez respirer votre voisin. Presque tous vos voisins.

Un théâtre où vous devrez vous serrer un peu quand arrivera un spectateur. Que vous ne maudirez pourtant pas.

Un théâtre où la réaction d'une personne s'étend à tous par résonnances. Vagues.

Un théâtre où vous serez si près des acteurs que vous verrez leur front rosir. Où vous deviendrez l'un des leurs.

C'est dans un théâtre de ce type, à l'Aire Falguière, que j'ai assisté à « Nos mœurs inconséquentes » de Jean-Rémi Girard, jouée par Carla Bouis, Patrick Cathala, Marc-Antoine Cléret, Agnès Joyaut, Karim El Quasri et Thomas Shaw de la Compagnie de l'arme blanche. Assisté ? Participé bien plutôt, ne sachant plus si depuis mon premier rang j'étais sur scène ou dans le public. Public en scène peut-être. Spectacle de nos existences.

 

 

Deux critiques de Nos Mœurs inconséquentes

« Nos mœurs inconséquentes », c'est d'abord une obscurité. Le sombre viendra, reviendra, comme autant de pauses bienvenues, respirations de la pensée.

 

C'est ensuite un tableau, des tableaux dans le tableau, fresque peinte à nu, défaite, refaite. Images mécaniques de nos obsessions, de nos tentations vaines.

 

C'est aussi une transmise en scène, noir et blanc, un ordre en mouvement, un équilibre en déséquilibre. Et cela tient debout. Comme nos jeux de désirs, cela tient debout. Jeux de lettres, de mots et d'amants.

Deux critiques de Nos Mœurs inconséquentes

 

Et c'est bien sûr un texte. Avec des personnages.

Vivian aime Diane. Déliaisons dans jeu. « On est libre de choisir de quelle manière on va devenir esclave. »

Mathieu et Valentine sont les maudits démolis des liaisons dangereuses. « C'est tout ce qui reste dans la vie, les apparences. »

Tristan, le mari fidèle. Lit et sang d'âge heureux. « On désire tous de l'extraordinaire. »

Emilien, c'est l'homme malheureux. Marquant. Il rejoue sans cesse. Reliaison d'enjeux. « J'ai trop de fierté à porter mon fardeau. »

 

 

 

J'ai été captée par l'ensemble obscurité-tableau-noir et blanc-texte, j'ai marché dans les pas de cet enfer que sont les autres. Tout juste vers la fin il m'a semblé que quelque chose était de trop, un peu comme si les accords de Beethoven destinés à relâcher les tension cumulées étaient repris une fois de plus. Et puis encore une.

 

Mais une phrase sommet, qui m'est depuis revenue en tête, c'est celle-là et pour moi c'est une trouvaille : « Je suis plus malheureux que vous. Je suis donc plus intelligent que vous. C'est la loi. » Il m'a semblé qu'avec cette phrase-là on pouvait éclairer bien des situations, bien des tristes sires, et leur lancer un grand éclat de rire. Alors en fin du conte de Jean-Rémi Girard, l'enfer ce n'est pas tant les autres que nos propres velléités orgueilleuses d'anges malheureux. C'est ce que je me suis dit en retrouvant la rue, ses passants mes désirs et nos conciliations.

 

Christine Vallin

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commentaires

R
Yes we have to suffer a lot of pain during the journey called life and it is so true that we will be so hurt that we feel like we cannot another step in this so called journey. And that is life and that is exactly how thinks work around here.
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G
Merci pour le partage de ces beaux textes. Merci aussi à Christine Vallin pour sa présence et le commentaire élogieux. Comme quoi... s'il y a &quot;perte de l'autre&quot; d'une part, il y a aussi des liens qui se tissent d'autre part. :-)<br /> On n'avait jamais douté du succès de ta pièce. Pour ceux qui ne peuvent se déplacer... as-tu pensé à la filmer et à diffuser le film via le net ?
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