dessin qui fait un tabac en salle des profs
Faut-il mettre les parents à la porte des
établissements scolaires à grands coups de savates dans l'arrière-train ? C'est une proposition vis-à-vis de laquelle j'ai du mal à formuler une opinion tranchée, car deux points de vue
s'affrontent en moi :
1) mon côté « décliniste républicain réac' anti-pédagogo à bas les IUFM » tend à penser que l'Educ'Nat' a form(at)é beaucoup de ses ouailles d'une façon tout à fait discutable, faisant la promotion de
méthodes délirantes via des idéologies abstruses dont les méfaits vont encore se faire sentir longtemps, et même qu'on continue parce que quitte à faire fausse route, autant prendre la voie sans
issue jusqu'au ravin final.
« M'sieur ! Elle veut rien dire, vot' métaphore, là ! »
Oui, vous avez raison, Philinte. Je promets donc de ne plus faire de métaphores
jusqu'à la fin de cet article !
À partir de là, je comprends que les parents se soient emparés de la question, aient comparé les offres, soient pour certains devenus de véritables spécialistes de la controverse des
méthodes de lecture ou du taux de grammaire dans le sang qu'un élève est en droit de devoir supporter.
Et là, j'ose un aparté personnel. Ma mère, femme de tête et même de forte tête,
avait, suite à un déménagement en Bretagne, demandé à rencontrer les directeurs des deux écoles primaires de ma ville, l'une publique, l'autre privée, afin de savoir où j'apprendrais à lire (en
fait, il paraît que j'ai appris à lire devant les chiffres et les lettres. Betrand Renard, you rocked my world !). Nouvelles méthodes à la pointe de l'innovation pédagogique dotées de 3 lames qui
reconnaissent le poil avant de l'esquiver ni vu ni connu, lui fut-il répondu chez mon futur employeur (l'État. Suivez un peu !). B.A.-BA et bonnes sœurs, lui expliqua-t-on à côté. J'eus donc
quelques bonnes sœurs comme institutrices et appris à lire, fis de la grammaire à fond les ballons à l'aide de l'inénarrable BLED. Et ce fut le début d'une longue carrière d'élève dans
l'enseignement privé.
Conclusion : si ma mère ne s'était pas sérieusement penchée sur la question, j'eusse fini dyslexique, et vous seriez en train de vous arracher les yeux au moyen de tenailles de forgeron
devant l'orthographe cataclysmique de ce blog. Bon, peut-être pas quand même, mais disons que je crois avoir eu ce qui se fait de mieux. Merci les parents !
2) mais mon côté « corporatiste syndiqué pragmatique professionnellement
conscientisé et tout aussi républicain que l'autre » objecte que les profs, c'est quand même moins pire que les parents, dans l'ensemble. Et que depuis qu'on a invité ces derniers à
donner leur avis dans toutes nos instances — du conseil de classe des 5e mimis au conseil d'administration sur le budget de l'établissement — non seulement ils ne se privent pas de le
donner, mais ça leur laisse également penser qu'ils peuvent tout se permettre.
Et, malgré quelques remarques de parents intelligents qui, généralement, comprennent bien que nous ne sommes pas des bons à rien qu'on a posés devant un tableau noir (ou blanc,
ou numérique) en attendant les prochaines vacances, le bilan de l'intrusion des parents dans les établissements scolaires m'apparaît désastreux. Entre ceux qui règlent leurs comptes
avec leur propre scolarité par enfants interposés, ceux qui pensent que leur bon sens va révolutionner le fonctionnement du collège, ceux qui pensent que l'école doit tout apporter à la chair de
leur chair (ce qui les dédouanne d'apporter, eux, quoi que ce soit de vaguement éducatif), ceux qui nous demandent de remettre Zorglub dans le droit chemin alors qu'il faudrait peut-être
commencer par lui enlever cette télé, cette console et cet ordinateur de sa chambre, ceux qui pensent que nous sommes vraiment tous des cons et ceux qui ne font pas franchement l'effort de
penser, nous sommes servis. J'exagère ? Peut-être pas tant que ça, méfiez-vous...
Bref, d'un côté, je suis pour que les parents soient investis dans l'éducation de leur enfant, qu'ils veuillent le meilleur pour lui et qu'ils s'intéressent à ce que nous
faisons dans nos cours. Je suis pour qu'ils aient une claire vision de ce qu'un bon enseignement doit être. Mais j'ai du mal à les voir se regrouper en fédérations-lobbys quand c'est pour
faire autre chose que de demander au rectorat que le prof en arrêt maladie depuis la Grande Peste Noire soit enfin remplacé. Surtout quand c'est pour nous en rajouter une couche question
idéologie lénifiante et bien-pensante, comme si on n'en avait pas reçu assez, de l'idéologie bien-pensante et lénifiante. Surtout quand c'est pour hurler à la mort dès que la prunelle de
leurs yeux ramène une punition au foyer familial, et prendre — mal typique de l'école d'aujourd'hui — systématiquement la pose du défenseur de l'enfant devant le prof, quand il faudrait
évidemment faire l'inverse dans 95% des cas minimum. Parents, montrez au sale gosse que les adultes se serrent les coudes pour tirer le meilleur de lui, quitte à parfois le presser comme un
citron lorsqu'il l'a bien mérité (tant pis pour ma promesse de ne plus faire de métaphores...) plutôt que de... euh... là, je n'arrive pas à filer mon image, mais vous aurez compris !
La prochaine fois, je vous raconterai l'histoire de Ma Dalton, mère d'élève tout à fait typique de ces parents qui nous donnent une irrépressible envie de piquer ses clefs à la
gardienne afin de verrouiller l'établissement à double tour dès qu'elle s'en approche à moins de 10 km. En attendant, parents et collègues (et vous aussi, individus schizophrènes qui parvenez à
être les deux à la fois !), défoulez-vous dans les commentaires !